Le 10 Mai, le Washington Post a publié un article assez particulier. Un article mettant le doigt sur un ironique paradoxe inhérent à la France, en mettant l’accent sur la politique française qui, en même temps, interdit le voile au femmes musulmanes, et rend le port du masque de protection obligatoire.
« La France, à l’origine de l’interdiction de la burqa, a fait plus que tout autre pays occidental au cours de la dernière décennie pour résister aux revêtements de visage en public. Mais alors que le pays commence à sortir du confinement depuis lundi, les masques de protection sont obligatoires. » déclare l’article.
Un résumé brossant le portrait d’une situation que certain verraient « au mieux arbitraire, au pire discriminatoire » selon Fatima Khemilat, Doctorante à Sciences Po Aix.
Les gens sont tenus de porter des masques dans les écoles secondaires et dans les transports en commun – sous risque d’une amende. Les commerçants ont également le droit de demander aux clients de porter des masques ou de partir. Des caméras vidéo couplées à l’intelligence artificielle surveilleront la conformité globale du métro parisien.
Tout cela a été accepté avec peu de commentaires ou de controverse. Un récent sondage BFMTV a révélé que 94% des Français soutiennent le port du masque. Le fait que la France ait signalé plus de 26 000 décès de coronavirus contribue sans aucun doute à cette acceptation.
Mais de nombreux musulmans, défenseurs de la liberté religieuse, et érudits voient beaucoup d’ironie dans une société qui a fait une telle vertu de visages découverts nécessitant soudainement à les couvrir.
« Si vous êtes musulman et que vous cachez votre visage pour des raisons religieuses, vous êtes passible d’une amende et d’un cours de citoyenneté où l’on vous apprendra ce que c’est que d’être un « bon citoyen » », a ajouté Fatima Khemilat.
« Mais si vous êtes un citoyen non musulman dans la pandémie, vous êtes encouragé et forcé en tant que « bon citoyen » à adopter des « gestes barrières » pour protéger la communauté nationale. » ajoute-t-elle.
Une loi qui date de de 2010
« Dans les sociétés libres et démocratiques… aucun échange entre les gens, aucune vie sociale n’est possible, dans l’espace public, sans réciprocité de regard et de visibilité : les gens se rencontrent et établissent des relations avec leur visage découvert », a déclaré une étude parlementaire lors du débat de 2010. Loi qui est entrée en vigueur l’année suivante.
Le ministère français de l’Intérieur a confirmé au Washington Post que l’interdiction de la burqa s’appliquerait toujours pendant la pandémie du Covid-19, alors que les gens sont autrement encouragés à se couvrir le visage. Une femme qui porte un couvre-visage religieux sera « punie de l’amende prévue pour les infractions de deuxième classe », a indiqué le ministère dans un communiqué. La loi impose une amende pouvant aller jusqu’à 150 €, et peut exiger la participation à un cours d’éducation à la citoyenneté.
Etant donné que la loi de 2010 autorise de se couvrir le visage pour des raisons de santé et autres exemptions, « le port d’un masque destiné à prévenir tout risque de contagion par covid-19 ne constitue pas une infraction pénale », a précisé le ministère.
L’auteur de l’article, ajoute, ironiquement : « Cela suggère que si une femme musulmane voulait monter dans le métro parisien, elle devrait retirer sa burqa et la remplacer par un masque de protection. »
« Ce n’est pas une hypocrisie, c’est une schizophrénie à la fin », a expliqué Olivier Roy, un spécialiste français de la laïcité et de l’islam. « Ce qui revient à dire qu’il s’agit du problème de l’islam. Si vous couvrez votre visage pour l’islam, ce n’est pas la république. Si vous vous couvrez le visage pour une raison qui n’a rien à voir avec l’islam, c’est acceptable. »