Par : Tamime Khemmar.
«Ceci est un mois dont beaucoup de gens ne connaissent point l’importance, entre Rajab et Ramadân. C’est un mois où les œuvres sont élevées auprès du Rabb (Seigneur) des mondes, ‘azza wa jalla.
« J’aime donc que mon œuvre soit élevée alors que je jeûne. » Ainsi répondit le Prophète [ﷺ] à celui qui s’étonna de son jeune très fréquent lors du mois de Cha’bân.
Quelles sont donc les œuvres recommandées lors de ce mois, si important, et quelles sont celles qui ne le sont pas ?
1/Le mérite du Jeûne du mois de Cha’bân :
‘Â’icha (Qu’Allah agrée) rapporta dans les deux Sahîh[1] ceci :
« Je n’ai vu le Prophète [ﷺ] accomplir le jeûne d’un mois hormis celui de Ramadân. Et je ne l’ai vu jeûner plus fréquemment que lors de Cha’bân. »
Elle dit aussi :
« Il jeûnait Cha’bân entièrement »[2].
Et « Il jeûnait presque tout Cha’bân »[3].
Le jeûne lors du mois de Cha’bân est donc recommandé, tout le mois ou la majorité du mois, car le Prophète [ﷺ] le faisait.
Il nous a aussi appris que les œuvres des croyants étaient élevées auprès d’Allah lors de ce mois et qu’il aimait être en état de jeûne lorsque ses œuvres étaient présentées à Allah.
Seulement celui qui veut jeûner lors de Cha’bân doit veiller à respecter certaines consignes :
1/Il doit commencer son jeûne au début du mois, car le Prophète [ﷺ] a dit :
« Si Cha’bân arrive à la moitié, ne jeûnez pas. »
Celui qui n’a pas jeûné dès les premiers jours de ce mois, ne peut pas jeûner la deuxième quinzaine du mois. Et à priori ne peut pas jeûner les derniers jours de Cha’bân, surtout que le Prophète [ﷺ] a dit :
« Ne devancez pas le jeûne de Ramadân par le jeûne d’un ou de deux jours. Sauf quelqu’un qui avait l’habitude de jeûner un jour précis, qu’il le jeûne donc. »
C’est-à-dire celui qui a l’habitude de jeûner le lundi et le jeudi, par exemple, et le jour qui précède Ramadân coïncide avec un lundi ou un jeudi.
Quels sont donc les cas où l’on peut jeûner lors de Cha’bân ?
1/Celui qui jeûne du début du mois ou commence son jeûne lors de la première quinzaine du mois. Car celui-là aura jeûné tout le mois de Cha’bân ou la majorité de ce mois.
2/Celui qui jeûne le lundi et le jeudi de chaque semaine.
3/Celui qui jeûne : le jeûne du Prophète David, que le Salut soit sur lui. En alternant jeûne et non-jeûne (en jeûnant un jour et en mangeant le suivant).
4/Celui qui jeûne les jours blancs (le treize, le quatorze et le quinze de chaque mois). Ce dernier peut aussi continuer son jeûne jusqu’à la fin de Cha’bân, car il aura jeûné plus de la moitié du mois. Or, ce qui est interdit c’est de jeûner le deuxième moitié du mois, une partie de celle-ci ou les derniers jours de Cha’bân qui précèdent Ramadân.
Question importante : Est-il permis d’accomplir, lors des dix derniers jours de Cha’bân, le jeûne des jours de Ramadân précédent qu’on a mangés ?
Réponse : Il n’y a aucun mal à retarder la récupération des jours de jeûne mangés jusqu’à Cha’bân, pour l’homme ainsi que pour la femme. Car, ‘Â’icha (Qu’Allah agrée) retardait cela jusqu’à Cha’bân[4].
Le jeûne est recommandé lors du mois de Cha’bân car, comme le Prophète [ﷺ] nous l’a appris, c’est le mois où les œuvres des hommes sont élevées auprès d’Allah et Lui sont présentées.
En effet, il y a deux sortes de présentations des œuvres à Allah.
L’une est bihebdomadaire : le lundi et le jeudi et la seconde est annuelle : lors du mois de Cha’bân.
C’est pour cela que le Prophète [ﷺ] prenait soin de jeûner lors de ces deux occasions.
Qu’y a-t-il de meilleur pour le serviteur dévoué que d’être dans cet état de soumission, d’humilité et de privation de tout ce qu’il aime, lorsque ses œuvres sont exposées au Seigneur et Maître suprême ? Peut-être que cette humilité lui apportera un grand pardon pour ses mauvaises œuvres ou un surplus de récompense pour ses bonnes œuvres.
Aussi, le jeûne de Cha’bân, ainsi que tout autre jeûne surérogatoire, en plus de ses bienfaits connus, prépare le musulman au grand jeûne de Ramadân.
Celui qui a l’habitude de jeûner, entame le jeûne de Ramadân en toute sérénité et au lieu de fournir un grand effort pour accomplir le jeûne, vu qu’il en a l’habitude, il se livrera dynamique à toutes les autres œuvres bienfaisantes (Réciter le Coran, accomplir la salât, s’occuper de parents et des proches, nourrir les pauvres, etc.) et profitera ainsi amplement de ce mois béni.
Quelles sont donc les choses non prescrites que commettent beaucoup de gens lors du mois de Cha’bân ?
1/Il n’y a aucun mérite dans la nuit de la moitié de Cha’bân car les hadîths rapportés à propos de ses vertus ne sont pas authentiques. Le fait de veiller durant cette nuit ne rapportera rien à son auteur, car c’est une nuit qui est pareille à toutes les autres.
2/Beaucoup de gens pensent que c’est lors de cette nuit que sont fixées les prédestinations des hommes. Cela est faux, car c’est lors de Laylat Al-Qadr que cela se passe, comme Allah l’a stipulé dans le Coran, dans sourate Ad-doukhân (S : 44/A : 3 et 4) :
(Nous l’avons révélé[5] durant une nuit bénie. Nous fûmes toujours Avertisseur. 3 Durant celle-ci est prédestiné tout ordre hakîm (sage et parfait).)
Or, la nuit où a été révélé le Coran est certainement Laylat Al-Qard, car Allah, élevé soit-Il, a dit à propos de la révélation du Coran dans sourate Al-Qadr (S : 97/A : 1) : (Nous l’avons révélé lors de Laylat AL-Qadr (la nuit de l’honneur et du mérite).) Qui se trouve sans le moindre doute dans le mois de Ramadân.
3/Il n’y a aucun mérite à spécifier cette nuit par une œuvre comme : offrir un repas spécial. De même pour celui qui spécifie ce mois par une offrande qu’il immole et distribue. Par contre, il est recommandé de nourrir les pauvres et d’immoler pour Allah en tout temps et le plus souvent possible, durant toute l’année, comme tout le reste des œuvres surérogatoires.
Comment se fait-il qu’une œuvre bienfaisante qu’on accomplit recherchant le surplus de bien, la satisfaction d’Allah et Sa récompense peut-elle être interdite ?
Ce n’est pas l’œuvre bienfaisante en elle-même qui est interdite, mais c’est le fait de vouloir se rapprocher d’Allah pas une œuvre qu’il n’a pas prescrite qui est interdit.
Dans notre cas par exemple, ce n’est pas le fait d’offrir un repas qui est interdit, mais c’est le fait de le faire la nuit de la moitié de Cha’bân, chaque année, recherchant en cela la satisfaction d’Allah.
Ceci est un culte, une ‘ibâda (acte d’adoration) – du moment qu’elle est spécifiée par une date fixe – qui est voué à Allah. Or, toute ‘ibâda (culte) n’est acceptée que si elle remplit deux conditions :
1/Elle doit être vouée exclusivement à Allah, sans aucun associé.
2/Elle doit suivre la guidance du Prophète [ﷺ].
Celui qui invente un culte n’a pas suivi la guidance du Prophète et son culte inventé qui s’appelle : bid’a, le rend coupable des infractions suivantes :
1/Il dément la parole d’Allah, élevé soit-Il, qui dit (S : 5/A : 3) :
(Aujourd’hui, J’ai parfait votre dîn (religion).) Or, ce qui est parfait n’a besoin ni de rajout ni de complément.
2/Il s’est placé comme associé à Allah dans la prescription des cultes qu’Allah a établis aux hommes afin qu’ils accomplissent Son adoration.
3/Inventer un culte que le Prophète [ﷺ] n’a pas prescrit – malgré que ceci soit sa mission principal – implique :
a/Soit le Prophète [ﷺ] ignorait ce culte.
b/Soit le Prophète [ﷺ] Connaissait ce culte, mais l’a laissé sous silence et ne l’a pas transmis.
Dans le premier cas il a traité le Prophète d’ignorance et dans le deuxième cas d’incompétence et de dissimulation.
5/Ceci encourage les gens à modifier la Charî’a (législation) d’Allah et y inclure tout ce qu’il leur plaît.
6/Inventer des cultes aura pour effet de diviser la nation en factions opposées et antagonistes, car chacun inventera sa propre doctrine et accusera l’autre d’hérésie et le combattra.
7/Celui qui invente un culte se verra occupé par sa bid’a et sera éloigné de ce qu’Allah a réellement prescrit.
En effet, tout culte inventé fait disparaitre et remplace un culte prescrit et agréé par Allah.
Il y a dans la Charî’a d’Allah qui se trouve dans Son Livre révélé et dans la Sounna authentique de Son Prophète [ﷺ] une ample suffisance à celui qu’Allah a guidé vers la rectitude et la bienfaisance.
Ce dernier n’aura besoin de personne pour lui apprendre comment adorer son Seigneur ni comment gagner sa satisfaction, qu’Allah en soit loué.
Remarque pour les fervents serviteurs[6] : Il est permis de jeûner les trois mois consécutifs : Rajab, Cha’bân et Ramadân.
Allah est le plus Savant.
Notes de l’auteur :
[1] Sahîh Al-Boukhârî et Sahîh Mouslim.
[2] Rapporté dans le récit d’Al-Boukhârî.
[3] Rapporté dans le récit de Mouslim.
[4] Fatwa d’Ibn Bâz (que la miséricorde d’Allah soit sur lui).
[5] Le Coran.
[6] Hommes et femmes.