Pour l’exclusivité, Nabil Karoui le patron de la chaine Nessma TV brave l’interdit. Il y a quelques jours, celle ci annonçait non sans fierté, la diffusion le 7 octobre dernier, du très controversé film d’animation « Persepolis », pour la première fois doublé en dialecte tunisien. Un film à caractère blasphématoire à l’égard de l’Islam, qui a suscité l’indignation de centaines de musulmans tunisiens venus manifester dimanche dernier devant le siège de la chaine à Tunis.

Des centaines de musulmans tunisiens ont manifesté devant le siège de la chaine

Nabil Karoui devait s’y attendre, car à trop vouloir jouer avec le feu, on fini par se brûler. Juste après la diffusion du film, il confiait avoir déjà avoir reçu des menaces mais pensait qu’il s’agissait seulement de paroles. « Nous sommes habitués aux menaces mais ce qui est grave c’est que cette fois-ci ils sont passés aux actes. » a t-il déclaré.

Quelques 300 musulmans tunisiens se sont donc déplacés dimanche dernier, pour contester fermement la promotion du film d’animation « Persepolis » avec pour slogan : « Nous sommes là pour défendre l’islam ». Adapté d’une bande dessinée iranienne et mis en scène par l’iranienne Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, le film retrace l’époque de la révolution iranienne marquée par la chute du Chah.

« Au vu des déclarations et menaces postées ces derniers jours sur Facebook, ces gens avaient l’intention d’attaquer la chaîne » affirme le porte-parole du ministère Hichem Meddeb. Intervenus en renfort, plusieurs policiers ont tentés de disperser la foule, arrêtant au passage une dizaine de manifestants selon le Ministère de l’Intérieur.

A l’origine d’un tel mécontentement, ce fut une scène du film où dans le rêve de la petite fille, « Dieu » est représenté par un vieil homme barbu. Un immense blasphème à l’encontre de l’Islam, qui interdit toute forme de représentation imagée ou personnifiée d’Allah, de Ses Anges, et de Ses Messagers et Prophètes.

Pour protester contre la diffusion du film blasphématoire « Persepolis »

Ayant remporté un César en 2007, « Persepolis » raconte la vie d’une petite fille, Marjane (le même prénom que la réalisatrice) à Téhéran, au moment de l’instauration en 1978 d’un République islamique qui contrôle les tenues et comportements. Ponctué de plusieurs allusions islamophobes, le film a provoqué une vague de protestation lors de sa diffusion vendredi dernier, jour de joumou’a qui n’a sans doute pas été choisi de manière anodine. D’autant plus qu’il s’en est suivi un débat autour de l’intégrisme religieux.

Fragilisée par 23 ans de dictature, la Tunisie tente d’émerger peu à peu,et se montre très attachée aux valeurs de l’Islam dans ses revendications. L’époque Ben Ali, aujourd’hui révolue, c’est avec détermination que le peuple tunisien entend ne plus courber l’échine quand il s’agit de défendre sa religion. Une vague de protestation qui fait suite à celle qui a réunit, samedi 8 octobre, 200 musulmans dans la faculté de Lettres de Sousse, après que le directeur de l’établissement, Moncef ben Abdeljelil ait refusé d’inscrire une étudiante par ce qu’elle porte le niqab.

A 15 jours des premières élections depuis la chute de Ben Ali, ces revendications populaires n’auront jamais été aussi fortes et suscitées une certaine crainte de la part de ceux qui prônent la laïcité . A l’image de Nadia El Fani, réalisatrice du torchon visuel « Ni Allah Ni Maitre » qui affirme aux médias que « Les barbus atteindront leur but si on continue à avoir peur. On se tait en pensant qu’il ne faut pas réveiller la bête, mais la bête est là ».

Nessma TV s’excuse

Nebil Karoui avait dans un premier déclaré qu’il ne céderait pas aux pressions des manifestants évoquant le combat pour la démocratie et la liberté qu’il menait à travers son média. Le directeur de Nessma TV a semble-t-il changé d’avis. Pourquoi ce revirement soudain ?  Il apparait que Nebil Karoui ait fini par comprendre qu’il avait heurté la population tunisienne dans son ensemble et pas seulement deux ou trois « salafistes » comme il essayait de le faire croire. De simples civils se sont rendus devant le siège de la chaîne tout en scandant « Nous ne sommes pas des barbus mais nous défendons l’islam ».

Nebil Karaoui a donc fini par présenter ses excuses, au micro de la radio locale Monastir il déclare : « Je m’excuse. Je suis désolé pour tous les gens qui ont été dérangés par cette séquence, qui me heurte moi-même » sur la radio . « Je considère qu’avoir diffusé cette séquence est une faute », a-t-il dit. « Nous n’avons jamais eu l’intention de porter atteinte aux valeurs du sacré ».

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