Après le Maroc, c’est au tour de la Tunisie de s’intéresser à la finance islamique. En effet, des projets ont été évoqués par des dirigeants politiques sur son développement dans le pays. Rappelons que tout comme le Maroc, la Tunisie a connu un changement d’orientation politique sans précédent avec la victoire d’un parti d’inspiration islamo-conservateur, Ennahda, aux dernières élections législatives du 24 octobre dernier. L’heure est donc à la reconstruction politique et économique.
La finance islamique : un développement qui touche tous les niveaux
Afin de concrétiser la pratique de la finance islamique en Tunisie, diverses propositions et projets ont été établis. La Tunisie est bien consciente que ce travail nécessite des efforts à plusieurs niveaux.
Au niveau de l’éducation, le Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, M. Moncef Ben Salem, a annoncé la mise en place prochaine de formations en finance islamique au sein des établissements de l’enseignement supérieur en Tunisie. Dans cette perspective, la Tunisie devra avoir des cadres maîtrisant les mécanismes de la finance islamique afin de faire de la Tunisie de demain un « pôle régional financier », comme le souhaite M. Neji Hergli, Président de l’Ordre des experts-comptables de Tunisie.
Ainsi, selon M. Moncef Ben Salem, deux principaux objectifs sont fixés en introduisant la finance islamique dans l’enseignement supérieur : «promouvoir le secteur bancaire dans le sens d’une plus grande adéquation avec les principes de la Charia et garantir une migration d’une économie conventionnelle à une économie islamique». Il souligne également l’importance des flux que drainera la finance islamique dans l’économie national.
Au niveau législatif, son introduction en Tunisie doit s’appuyer sur des lois et des textes d’application afin d’encadrer et organiser comme il se doit cette nouvelle finance. Il faut par exemple mettre à sa disposition un système fiscal adapté et différent de celui de la finance conventionnelle. A cet égard, le porte-parole du Ministère des Finances, Lotfi Bouaîcha, a annoncé la prochaine publication d’une loi dédiée exclusivement à la finance islamique qui pourra ainsi renforcer et légitimer sa pratique.
Des spécialistes ont mis en garde contre le risque de copier les systèmes de finance islamique des pays du Golfe, alors qu’il faut avant tout l’adapter au pays, d’où l’importance de sa règlementation.
Lors de la rencontre annuelle du 23 janvier, consacrée à l’étude des dispositions de la loi de Finance 2012 trois grandes mesures ont été citées, parmi lesquelles la nécessité d’instaurer « un régime favorable à la finance islamique ». M. Lotfi Bouaîcha a également évoqué l’introduction de mécanismes de la fiscalité islamique dans la Loi de finance complémentaire, notamment la Moudaraba, la Moucharaka, et les Sukuk. Ces derniers permettent de financer des projets gouvernementaux sans l’intervention de l’Etat. Ils sont en quelque sorte un moyen de booster le investissements directs étrangers sans pour autant influer sur l’endettement de l’Etat.
Même au niveau associatif, l’Association tunisienne de la finance islamique (ATFI), créée en février 2011, a organisé les 21 et 22 janvier, une conférence internationale intitulée « Al Ijara : Concepts et applications » où cours de laquelle les multiples avantages de ce mécanisme ont été explicités.
Cette conférence a accueilli de grands spécialistes comme le directeur général de la société Choura au Koweït, le Cheikh Abdul Sattar Ali Khattane, ou encore le Docteur Ezzedine Khouja, secrétaire Général du Conseil des banques et des établissements financiers islamiques, et le Docteur Khaled Madhkour, Président de l’organisme des fatwas et des affaires religieuses au Koweït.
La prochaine étape pour cette association lors des prochaines discussions sera de traiter la question du passage d’une finance conventionnelle à une finance islamique, mais aussi celle sur le développement des banques islamiques tunisiennes.
Au niveau économique, la finance islamique s’avère être une véritable alternative afin de dynamiser de nouveau l’économie nationale. En effet, lors de la journée d’étude du 28 janvier dernier, organisée par l’Ordre des experts-comptables, les conférenciers ont décrit la finance islamique comme un véritable moyen de relance des investissements, avec la création d’un fond, la Mudaraba, qui prévaut le partage des risques et des gains de manière équitable entre les différents investisseurs.
Beaucoup de propositions de mécanismes de finance islamique ont été faites dans ce sens. La crise financière a sans doute accéléré cette volonté d’instaurer des produits de finance islamique de plus en plus demandées par les consommateurs, désireux d’éviter toute spéculation sur les biens fictifs.
Bien que les pratiques de finance islamique soient encore au stade embryonnaires, toutes ces initiatives et ces projets menées en un temps relativement court laissent présager un bel avenir à cette finance compatible avec la charia en Tunisie.
Cette volonté d’instaurer la finance islamique est par ailleurs fortement visible et fleurissante dans d’autres pays, ce qui peut nous amener à penser qu’il s’agit d’une tendance qui s’étend, et surtout qu’elle s’exporte au-delà des frontières, d’abord dans des pays musulmans, mais de plus en plus dans des pays occidentaux. Même si elle ne représente qu’une partie infime de la finance mondiale, son taux de croissance annuel mondial est particulièrement soutenu puisqu’il avoisine les 30%.
mis à part certaines nuances, c’est surprenant d’entendre que des pays musulmans s’intéressent « enfin » à la finance islamique.
Sont-ils passés à côté d’eux-mêmes? De ce qui fait leur identité???