Interview du médecin anesthésiste-réanimateur Ziad Alissa, président de l’UOSSM France
Union des Organisations de Secours et Soins Médicaux.
A l’heure où la Syrie est le lieu de la plus grande crise humanitaire au monde depuis la seconde guerre mondiale, nous avons souhaité aller à la rencontre de l’ONG internationale, UOSSM ayant pour mission de porter secours et soins médicaux aux victimes du conflit. Nous avons posé quelques questions à son président Dr Ziad Alissa, chirurgien anesthésiste et responsable du programme formation du personnel médical sur le terrain.
Pouvez-vous nous décrire la situation actuelle en Syrie ?
Après 5 années de conflit, la Syrie est méconnaissable. Le pays vit un désastre humanitaire et sanitaire. Il n’est plus que l’ombre de lui-même. Les victimes se comptent par centaines de milliers, à tel point que les Nations Unies ont renoncé à comptabiliser les morts. Néanmoins, les estimations parlent de 300 000 à 450 000 morts depuis 2011. En moyenne, à Alep, deux à trois barils s’abattent sur la ville quotidiennement. C’est effroyable.
Les deux tiers de la population ont fuit les villes bombardées notamment à Alep. Pour se protéger, les écoles et les hôpitaux sont obligés de s’installer en sous-sol dans des souterrains.
Pour affronter cette situation de guerre, les villes manquent de tout : médicaments, nourriture, eau potable, électricité. C’est une catastrophe. C’est la population civile qui souffre en premier lieu.
Quel est le rôle et la place des médecins dans ce conflit ?
Les médecins sont clairement en première ligne car ce sont eux qui soignent et portent secours aux victimes des bombardements. Pire encore, ils sont eux-mêmes pris pour cibles. Les hôpitaux et les établissements médicaux sont clairement visés par les attaques aériennes. On peut dire que les médecins syriens sont les derniers héros et héroïnes ainsi que tout le personnel médical face à la violence de cette guerre. Ils prennent de risques énormes pour venir en aide aux populations. Selon les derniers chiffres de l’ONU, 700 professionnels de santé ont été tués depuis 2011 et 60 % des structures médicales ont été détruites en Syrie.
Comment l’UOSSM vient en aide aux médecins en Syrie et porte secours aux victimes ?
Face à cette crise médicale et humanitaire, dès 2011, des médecins français, syriens et du monde entier, ont choisi de se mobiliser et de créer une organisation internationale d’aide aux victimes. C’est ainsi que nous avons fondé l’UOSSM. Aujourd’hui, nous nous rendons régulièrement sur place pour la mise en place de nos projets. Depuis 5 ans, nous avons pu déployer cinq programmes majeurs en Syrie pour accompagner et soutenir le personnel soignant, les victimes civiles et les malades au quotidien : la construction et le soutien d’hôpitaux, notamment celui de Bab Al-Hawa – le plus grand hôpital dans le nord de la Syrie – la mise en place de centres de soins primaires, de centres de soutien psychologique et de santé mentale, la formation du personnel médical et la recherche médicale.
Ces projets nécessitent un travail colossal auprès de nos partenaires institutionnels et la généreuse contribution de nos donateurs sans qui nous ne pourrions rien faire en réalité. Nous tentons ainsi de pallier aux carences d’un système sanitaire qui s’est complètement effondré.
Vous avez lancé récemment une campagne de collecte de fonds pour reconstruire le centre de soins primaires Al-Marjeh détruit à Alep, pouvez-vous nous en dire plus ?
L’UOSSM a ouvert et soutient le fonctionnement d’une douzaine de centres de soins primaires à travers tout le pays. Chaque centre dispose d’une unité de pédiatrie, de gynécologie, de médecine interne et d’une maternité. On peut également trouver dans certaines structures une clinique dentaire, une unité de soutien psychologique, une pharmacie qui distribue les médicaments gratuitement et un laboratoire. Le 29 avril 2016, notre centre de santé primaire Al-Marjeh a été complètement détruit par deux missiles aériens. L’établissement avait ouvert ses portes en 2014 et avait déjà accueilli plus de 46 000 patients dont 85% de femmes et d’enfants. Suite à sa destruction, nous avons décidé de lancer une campagne de collecte de fonds #ReconstruireAlMarjeh pour sa reconstruction et l’achat d’équipements médicaux pour un montant de 30 000 euros. A ce jour, nous avons pu récolter 13 465 euros. Sa reconstruction est indispensable afin que les habitants du quartier puissent avoir accès aux soins. L’aide médicale en Syrie est aujourd’hui entièrement dépendante de la solidarité internationale des ONGs et des donateurs qui les soutiennent.
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