Ajib s’est interrogé aujourd’hui sur un mode de vie très en vogue ces dernières années, et ce partout dans le monde. En effet, le zéro déchet compte de plus en plus d’adeptes voulant revenir à un minimalisme assumé au quotidien.
Nombreuses sont les personnes et les musulmans qui s’écartent de la sur-consommation et souhaitent réduire leur production de déchets jusqu’à en venir au zéro déchet. Alors nous avons interviewé, pour vous, Mahdiya de l’association Materner avec un grand Aime pour comprendre ce qui pousse nos frères et sœurs à suivre cette façon de vivre.
Très active partout en France pour la promotion du maternage proximal à la lumière de l’islam, l’association Materner avec un grand Aime comporte plusieurs antennes à travers l’hexagone pour réunir les mamans sur des thématiques différentes qui leur permettent d’échanger sur leurs difficultés et leurs expériences au quotidien.
L’alimentation saine, l’écologie, les modes de vies dits alternatifs tels que la simplicité volontaire sont abordés pour s’entre aider et apprendre ensemble. Beaucoup d’entre elles ont fait ce choix du zéro déchet. Voyons ce qu’elles en pensent :
Ajib : Y a t-il eu un événement particulier vous incitant à prendre une telle décision, l’envie de changer de mode de vie comme beaucoup de personnes ? Est-ce un ras le bol de la société actuelle et son incitation à la sur-consommation ?
Mahdiya : Pour ma part, c’est plutôt un long cheminement. Étant issu d’une famille sensible à l’environnement, l’écologie, l’alimentation saine … j’ai grandi avec ces valeurs. C’est lorsque j’ai fondé ma propre famille que cela a pris plus d’importance et que j’ai réalisé la nécessité de mettre en pratique mes valeurs. Le ras le bol de cette société de consommation en est bien sûr une des causes, ou plutôt l’envie de m’en démarquer.
A : Qu’est-ce, pour vous, le désencombrement ?
M : Le désencombrement est avant tout une décision de changement et d’action consciente. En effet pour effectuer un réel désencombrement «matériel» cela passe, avant tout, par un désencombrement mental, (…)des habitudes de consommation que nous avons et de nos «croyances» en terme de besoins. En effet, nous nous créons des besoins qui n’en sont pas, faire le tri passe donc par faire la part de ce qui nous est réellement nécessaire et ce qui ne l’est pas. C’est une prise de conscience globale.
A : Quel est le lien de ce dernier avec le mouvement Zéro Déchet ? Le premier mène t-il forcément à l’autre ?
M : L’un ne mène pas nécessairement à l’autre mais y tend indéniablement. En effet, lorsque nous commençons à faire le tri, à viser le minimalisme, on s’aperçoit rapidement que nous produisons excessivement de déchets et que ceux-ci ne sont pas tous recyclables. Après avoir fait le tri dans notre maison, nous nous retrouvons avec un tas d’objets, on peut en donner à des proches, des associations, mais certains iront inéluctablement à la déchetterie. Ceci peut amorcer une envie de tendre au zéro déchets.
Ceci dit le zéro déchet à proprement parlé est parfois difficile à atteindre tant tout ce que nous achetons est sur emballé. Dans certaines grandes villes, il existe des magasins «tout en vrac» mais il est parfois difficile d’acheter tout ce dont nous avons besoin de cette façon. Néanmoins on peut réduire le plus possible en favorisant les achats sans emballage, achetant ses légumes sur le marché, prenant des sacs réutilisables, minimisant les produits transformés et optimisant le fait-maison (et ce dernier pour de multiples raisons). Trier ses déchets, faire son compost ( même sur son balcon pour les plantes de la maison ) enfin, pleins de petites habitudes qui permette de réduire grandement nos déchets.
A : Une meilleure compréhension de l’islam aide t-elle, à votre avis, à mieux comprendre le raisonnement du zéro déchet ?
M : Oui, pour moi c’est certain. L’islam nous invite à un mode de vie simple et sain. De nombreux hadiths et versets coranique nous montrent l’importance de la simplicité mais aussi du respect de la planète sur laquelle Allah nous a placé tel ses lieutenants, et quelle grande responsabilité. Lorsque nous comprenons cela, nous ne pouvons pas, me semble t-il, rester indifférent à l’écologie et aux conséquences de notre mode de vie sur notre environnement.
Les déchets que nous produisons ont une conséquence sur la flore, la faune, mais aussi sur les êtres humains. Des personnes se retrouvent à trier nos déchets dans des conditions inhumaines à l’autre bout de la planète. Nos déchets flottent un peu partout en mer ayant même créé un «continent». Quand nous savons que le simple fait de ramasser une chose qui gêne sur la chaussé est un bien dans notre religion, que penser du fait de produire ce qui encombre et détruit la planète terre, causant du tord à l’ensemble des créatures d’Allah. Il semble cohérent de dire que ceci n’est pas dans la ligne de conduite de l’islam. Ainsi souhaiter produire moins de déchets devient comme une évidence.
A : Comment ce mode de vie peut-il changer la vie des musulmans en mieux ?
M : Tout d’abord adopter un mode de vie minimaliste est, comme je le disais précédemment, plus en adéquation avec les valeurs de l’islam. Ainsi faire de tels choix de vie permettront, je pense, à tout musulman de se sentir plus en accord avec ses valeurs. Aussi, cela permet de se détacher de la dounia et d’apprendre à se contenter de peu à l’exemple du prophète Muhammad (sala allahu alahi wa salam) qui a toujours su se satisfaire du minimum.
Le musulman qui tend vers un mode de vie plus simple aura tendance à vouloir échanger avec ses pairs, que ce soit pour le dons d’objets, le troc, l’apprentissage de nouvelles compétences comme le jardinage, la confection de produits home-made etc. Ainsi je pense que c’est un facteur de sociabilité positive.
A : Qu’est-ce qui rebute le plus les gens que vous avez rencontré pour opérer le changement dans leur vie de consommateur musulman?
M : Je pense que ce sont des appréhensions basées sur le changement. Le changement fait peur de manière général. Les questionnements sont nombreux: vais-je manquer de quelque chose? Vais je devoir sacrifier mes loisirs? Etc. Ses interrogations sont compréhensives mais infondées. En effet, il ne s’agit nullement de se brimer et de se sentir démunis. Viser plus de simplicité n’est pas synonyme de dépouillement.
Il ne s’agit pas de cesser de consommer, comme certains le pensent, mais de consommer moins et différemment.
A : Peut-on vivre en harmonie entre un mode de vie classique de consommateur lambda et une très bonne compréhension de l’islam? Ou cette dernière amène t-elle forcément, pour vous, à revoir le rapport que l’on entretient avec les objets et la consommation en général ?
M : Oui nous pouvons continuer de consommer, disons, sans éthique et très bien comprendre l’islam, mais, dans ce cas, je pense, et cela n’engage que moi, qu’il y a alors une part de compréhension non appliquée.
Je crois, en effet, qu’une bonne compréhension de l’islam mène inévitablement à un changement dans notre mode de consommation et ce, pour diverses raisons. La consommation excessive est un gaspillage de nos biens ce qui est désapprouvé en islam.
Posséder n’est pas un tord en soit, le fait de se faire plaisir de temps en temps ne me semble pas à bannir, encore une fois l’objectif n’est pas de se rendre la vie difficile, et ce n’est pas non plus ce qu’encourage l’islam.
Je suis convaincue qu’il s’agit d’un cheminement et qu’en prenant conscience du peu d’importance des biens matériels(…)Plus nous évoluons spirituellement, plus nous viserons la simplicité et le partage. C’est du moins le processus que j’ai pu observer chez de nombreuses personnes.
A : Que conseilleriez-vous à ceux qui voudraient se lancer ?
M : Pour se lancer dans cette démarche, dans un premier temps, j’invite, in cha Allah, à prendre le temps de se poser les bonnes questions et de se les poser en famille. L’idéal serait que le changement s’amorce par tous ses membres. En effet, si l’on souhaite un changement durable, il est bon d’échanger avec nos conjoints respectifs et d’avoir une ambition commune allant vers le sens de la simplicité volontaire. Pourquoi ? Tout simplement car cela permettra de se motiver, de rappeler à l’autre ses objectifs dans les moments de faiblesses ou de « craquage » face à l’appel de la société de consommation. Inculquer ses valeurs à nos enfants est aussi une clé de la réussite sur la voie de cet engagement car nous souhaitons être de véritables exemples pour eux.
Il est clair que c’est vraiment lors de nos voyages que nous nous sommes aperçus que nous pouvions vivre avec peu. Nous voyageons, généralement, avec 2 sacs à dos pour 5 membres dont un bébé ! C’est ce vers quoi nous souhaitons tendre : des voyageurs sur terre comme nous le transmets le prophète (sallalahou alayhi wa salam). Il y a des habitudes qui sont souvent tenaces et le cheminement n’est pas linéaire, mais il faut savoir prendre le temps de s’arrêter et de se remettre en question régulièrement .
Et vous, cher lecteur, seriez-vous tenté d’amorcer le changement ?
Salam aleykoum.
Je souhaitait juste préciser par soucis d’honnêteté intellectuelle, la réponse à la dernière question n’est pas de moi, j’ai laissé la parole à une autre soeur rédactrice chez MM-blog : Lila