Les autorités chinoises viennent d’inaugurer la nouvelle campagne « Project Beauty » ou « Projet de beauté » en Région Autonome Ouïghoure du Xinjiang, aussi appelée le Turkestan oriental, à l’ouest du pays.

En effet, le gouvernement de cette province a mis à disposition de ses citoyen(ne)s un film dans lequel les femmes musulmanes sont encouragées à « promouvoir la beauté locale et la modernité » tout en « vivant la joie de montrer son visage ». Bien que cette propagande ne clame pas officiellement l’interdiction du hijab/niqab dans le futur, c’est bel et bien la musulmane dans son apparence vestimentaire qui est visée. La campagne a pour objectif de dévoiler les femmes musulmanes de la région qui porteraient le hijab et de décourager les futures prétendantes à s’engager sur cette voie. Des checkpoints ont été mis en place afin de surveiller les femmes portant le hijab mais aussi les hommes portant la barbe.

Pour rappel, l’ethnie Ouïghoure qui vit dans cette région est très majoritairement musulmane, une religion que le gouvernement chinois, dans son idéologie anti-religieuse, tente tant bien que mal d’anéantir. Après avoir proclamé son indépendance en octobre 1933, la province était de nouveau sous contrôle de la Chine communiste à partir de 1949. Le gouvernement avait alors encouragé l’émigration massive du groupe ethnique Han (majoritaire en Chine) au Turkestan, afin de contrecarrer la démographie largement en faveur du peuple Ouïghour, désormais minoritaire sur sa propre terre. Population qui, comme nous le rappelle une jeune femme qui ne donnera pas son nom par souci de sécurité, doit faire face à des restrictions religieuses, commerciales et culturelles.

Une mélodie familière

Pour toute musulmane où qu’elle vive, il est devenu habituel d’être enjointe à vivre dans la « modernité », et à partager sa « beauté » avec le monde entier. La modernité à l’occidentale bien entendu, la seule qui prévaut dans cette éternelle préoccupation européocentrisme !

Pourtant, l’habit de la femme musulmane est issu d’un cheminement spirituel riche et profond, un choix qui ne regarde et ne concerne qu’elle. Un choix justement détaché de toute norme culturelle, de tous les diktats esthétiques qui pèsent sur nos épaules depuis des temps immémoriaux.

Pour les non-musulmans, la femme n’est acceptable – et acceptée – que lorsqu’elle remplit la fonction pour laquelle elle est née : plaire, être accessible, être libérée de toute entrave morale jugée puritaine et arriérée. Du moins, c’est ce que cette stratégie islamophobe, vieille comme le monde, voudrait nous faire croire.

Quels enjeux derrière le dévoilement des femmes musulmanes ?

On ne peut parler de propagande anti-voile sans parler de l’Algérie, ancienne colonie française.

Le 13 mai 1958 à Alger, place du Gouvernement : des musulmanes sont exhibées sur un podium pour brûler leur voile, sous les acclamations des colons. L’enjeu de cette mise en scène est de taille : « il faut pour les autorités coloniales que les femmes algériennes se désolidarisent du combat des leurs », comme l’explique Houria Bouteldja.

Dès lors, dans un parallèle avec les femmes Ouïghoures, les autorités chinoises espèrent-elles qu’en gagnant les femmes à l’émancipation des valeurs de leur communauté, elles anéantiront les revendications d’une ethnie entière ? Le corps des musulmanes, écartelé encore et toujours par les nobles principes d’une république qui se veut prétendument libératrice et juste.

Par Lila, 27/11/2013