Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin vient de créer une énième polémique autour de l’Islam en s’invitant à nouveau dans la gestion du culte musulman.
Ce lundi 22 mars, suite au vote de la Mairie de Strasbourg (à 42 voix contre 7) d’une subvention de 2.5 millions d’euros en faveur de la construction de la mosquée Eyyub Sultan, Mr. Darmanin a réagi promptement sur les réseaux sociaux en accusant, entre autres, la fédération musulmane à l’origine de ce projet de ne pas avoir signé la charte des principes de l’Islam de France.
La mairie verte de Strasbourg finance une mosquée soutenue par une fédération qui a refusé de signer la charte des principes de l’islam de France et qui défend un islam politique. Vivement que tout le monde ouvre les yeux et que la loi séparatisme soit bientôt votée et promulguée
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) March 22, 2021
La région Alsace-Moselle (anciennement Alsace-Lorraine) est particulière dans le paysage français car elle a été plusieurs fois sous domination allemande. Cette région ne faisait pas partie de la France en 1905, lors de l’introduction de la loi sur la séparation de l’Église et de l’État, alors le concordat, système qui permet le financement de différents cultes chrétiens et juifs, a continué à être appliqué.
C’est dans ce contexte particulier qu’une association musulmane, tant qu’elle respecte les lois de la république française, est éligible, au même titre que n’importe quelle autre association à des financements de l’Etat.
En réponse au ministre de l’intérieur, le président de la fédération mise en cause, Eyup Sahin, a expliqué pourquoi sa fédération n’a pas signé cette charte et qu’elle n’est pas en fait contre ce principe dans l’absolu : « Nous sommes pour une charte, mais qui a été préparée par les musulmans, par les mosquées, et ensuite travaillée par les fédérations et finalisée par le CFCM. Mais là, il y a deux-trois personnes qui ont préparé une charte et qui ne nous laissent ni toucher une virgule, ni changer un point. Donc nous sommes contre cette manière de faire. »
Enfin, la loi sur le séparatisme n’a pas encore été votée définitivement, donc il est tout à fait curieux que le gouvernement exige que la charte soit signée pour qu’une association puisse bénéficier d’une subvention d’Etat. Une loi potentielle n’a pas valeur de loi.
L’accusation d’ingérence étrangère
Le ministre de l’intérieur a par ailleurs accusé la Mairie de « financer une ingérence étrangère sur le sol » et de contribuer à un projet porté par une fédération qui défend un « Islam politique », en faisant notamment référence à la Turquie qui aurait un projet idéologique pour l’Europe et utiliserait pour cela sa diaspora.
Invité lors d’un débat sur RT France, Gamal Abina, cofondateur du Mouvement des droits civiques, a jugé cette accusation d’ingérence fausse en relevant que s’il y avait réellement ce genre de projet de la part de la Turquie, alors pourquoi les travaux de la mosquée ont été stoppés (en 2017) par manque de financement ? C’est en effet une curieuse manière pour un Etat d’assoir sa domination à l’étranger à travers un « soft power ».
Il a également déclaré : « On parle de construction de mosquée pour que des gens puissent prier. On ne parle pas d’Islam politique. Toutes les mosquées de France sont sous le contrôle de l’Etat français. Les services de renseignement font leur travail. Ce mythe d’un Etat extérieur qui viendrait créer une 5e colonne en France est un mythe crée par l’extrême droite. »
On a donc plus l’impression d’une sortie revancharde de certains politiques envers une fédération qui ne s’est pas soumise à une vision (parmi d’autres) de l’Islam de France, que d’une réelle défense des principes de la République. Il serait d’ailleurs raisonnable de revenir à l’essence même de ces principes qui sont la liberté, l’égalité, et la fraternité. Car les actions à visée électoralistes et qui divisent ne permettront pas au pays d’aller mieux en ces temps de crises graves et inédits.
Réaction des verts
Interrogée par les médias, la Maire Europe Ecologie Les Verts (EELV) de Strasbourg a demandé au gouvernement de dire clairement s’il souhaitait ou non remettre en cause le droit local et le concordat. Elle s’est également déclarée « assez choquée » de cette interpellation tardive car le ministre de l’intérieur était présent il y a quelques semaines dans la région sans jamais lui voir fait état des risques d’ingérence dont il parle aujourd’hui.
Peu après, la ministre Marlène Schiappa avait embrayé sur les propos de Gérald Darmanin en déclarant : « Manifestement, les Verts ont un problème avec les principes de la République » et qu’« Europe Écologie-Les Verts pactise avec les tenants d’un islam politique et radical. »
Ces propos n’ont pas du tout plu au président d’EELV, Julien Bayou, qui a pour sa part exigé un recadrage d’Emmanuel Macron envers ses ministres ou des excuses en les menaçant sinon de porter plainte : « Je demande solennellement à ces deux ministres des excuses ou à leur premier ministre de les recadrer. Et à défaut nous porterons plainte pour diffamation et ils seront mis en examen.»