Ce week-end, vous êtes sorti(e) faire une course. Accompagné(e) de vos enfants, vous avez eu la honte de votre vie ! Et le mot est faible. Comment, entre le moment où vous êtes entré(e) dans ce magasin de bricolage et le passage en caisse, vous avez pu subir tout cela de la part de vos propres enfants ?

Docteur Jekyll et Mister Hyde

C’est une journée comme les autres. Rien à signaler. Vous décidez de faire une course, soit parce que vous n’avez pas le choix, soit pour vous faire plaisir. Peu importe. Vos enfants ont l’habitude, vous les prenez avec vous. Vous êtes d’humeur joviale et chantez un anachid dans la voiture sur le chemin. Vous prenez un caddie et entrez dans le magasin. Et là, c’est le noir total. Tout d’un coup vous ouvrez les yeux et vous voyez vos jambes courir derrière le caddie, en train de courser votre aîné de cinq ans dans le rayon carrelage. Vous êtes également surpris d’entendre votre voix hurler après votre fils, et lui promettre toutes sortes de punitions morales et corporelles. Lorsque vous reprenez complètement conscience, vous apercevez le sourire de votre enfant qui se félicite de vous faire courir, ainsi que les regards des clients du magasin qui vous lancent des « et ça ne sait pas élever un enfant », « je serais lui/elle, je lui ficherais une bonne raclée » ou encore « il a l’air d’avoir peur le pauvre, je suis sûre qu’il/elle le bat ».

Plusieurs choses sont à relever dans ce type de scénario. Votre rôle, celui de l’enfant et celui des spectateurs. Nous tâcherons de décortiquer chaque rôle et l’importance de chacun pour que ce type d’incident de se reproduise plus avec autant d’énergie et d’énervement…

Vous, vous vouliez juste faire une course

Oui mais voilà. Vous n’êtes plus seul(e). Chaque chose que vous faites, chaque décision que vous prenez peut avoir des conséquences directes sur vos enfants. Vous avez besoin de mastic pour refaire le joint de la douche ? Choisissez l’heure à laquelle vous irez au magasin de bricolage. Évitez de sortir juste avant les repas, en fin de journée ou à l’heure de la sieste. Des conseils qui vous paraîtront sans doute banales, mais qui pèsent leur poids malgré tout. Avant de sortir, mettez les choses au clair. « Nous sortons car j’ai besoin de colle pour que papa répare la douche ». Cela limitera les dégâts, l’enfant comprenant ce que vous êtes sur le point de chercher.

D’autre part, ne prenez pas l’habitude, pour compenser, d’offrir une bricole dès que vous allez faire une course. Car lorsque vous ne pourrez pas vous le permettre, l’enfant peut ne pas comprendre et vous mener la vie impossible jusqu’au retour à la maison. Par contre, n’évitez pas certains rayons de peur que l’enfant réclame. Passez-y même si vous avez du temps afin de rêver avec vos enfants. Profitez-en pour faire la liste avec eux des cadeaux de l’Aïd, ou flânez en rêvant de ce magnifique luminaire qui irait si bien dans le salon… Montrez à l’enfant que vous non plus ne pouvez vous offrir tout ce dont vous rêvez. Cela l’aidera à accepter la frustration.

Il existe une manière de faire patienter les enfants dans les magasins, au delà du fait qu’il ne faut pas traîner : investissez les d’une mission. Qu’ils aient l’impression de vous aider pour les plus petits. Qu’ils se sentent utiles pour les plus grands. Au rayon fruits et légumes, demandez à votre enfant de choisir avec vous les pêches. Au rayon des ampoules expliquez lui la forme d’ampoule recherchée afin qu’il vous aide à la trouver… Le temps passera plus vite pour eux, et le fait de partager le présent vous permettra de prévenir de nombreuses crises.

Et du point de vue de l’enfant ?

Mettons nous dans la peau d’une petite fille de 4 ans par exemple : « Maman m’emmène avec elle au magasin. (…) Ah cool on va à celui là je l’aime bien. Je me demande ce qu’elle va acheter encore. (…) Oh c’est beau ça, j’aimerais bien l’avoir… Et ça !! Wahou !!! (…) J’en ai un peu marre, c’est nul ce rayon, pourquoi maman s’intéresse-t-elle autant aux ampoules de lampes ? J’ai envie de descendre du caddie j’en peux plus ! Ah enfin la liberté. Je la laisse faire ses affaires, moi je veux aller voir ce tapis de princesse qu’on a vu à l’entrée, je suis sûre qu’il est tout doux. Maman ? Maman ? Ma-mannnn (…) Bon elle ne me répond pas j’y vais tant pis pour elle ! (…) Maisss heuuu, qu’est ce qu’elle a à me crier dessus d’un coup ? Qu’est ce que j’ai fais ???? Je voulais juste aller voir ce tapis ! J’ai été gentille depuis qu’on est arrivé, j’ai même accepté de lui tenir ses boîtes de clous ! Méchante maman ! Méchante ! Laisse moi tranquille ! Je veux plus rester avec toi ! Lâche moiiiiiii ! Aïe tu me serre le bras !!! Arrête ! (…) (en train de courir) ah ah, court maintenant, tu as été méchante avec moi je n’ai plus pitié de toi ! Et tu semble crier, mais je ne t’entends pas, et je m’en porte que mieux ! Oh c’est rigolo en fait, maman qui court derrière moi dans ces grands rayons ! Et puis il ne faut pas qu’elle m’attrape, j’ai l’impression qu’elle est toute rouge.. Mince elle a l’air hyper en colère… Je ne m’arrête plus sinon elle va me mettre une rouste !!! Au secours… à l’aide !!! »

On ne se rend pas toujours compte que les magasins ne sont pas des lieux attrayants pour les enfants. La consommation, c’est nous. Autant les préserver autant que faire se peut des rayons surchargés de produits comestibles ou non, destinés à la surconsommation de nos foyers. Ils font énormément d’efforts malgré ce qu’on leur reproche, avant que cela n’éclate. Ils patientent, et comme ils sont calmes, nous pensons que nous pouvons prolonger nos courses. Erreur fatale entraînant des cris, des pleurs et les regards désapprobateurs…

Et le regard des autres ?

Dans les magasins, le regard des autres est embêtant pour une seule chose : si votre enfant se sent observé il redoublera d’intensité dans ses cris, ses pleurs ou sa gestuelle au sol. Si personne ne le regardait, il stopperait : pas de spectacle sans spectateurs ! Vous les premiers, lorsque vous assistez à une telle scène, ne vous attardez pas. Ne regardez pas, ne bougonnez pas, ne dîtes rien. Beaucoup pensent bien agir en intervenant. Les « sauveurs des enfants » ne font en général qu’apaiser temporairement les choses, en détournant l’attention de l’enfant. Toute la tension entre l’enfant et la mère n’a pas été diminuée correctement et risque de ressurgir plus violemment encore. L’enfant risque en plus de rechercher systématiquement cette attention de la part d’inconnus, ce qui devient vite ingérable pour le parent. Voire insupportable. Un enfant en crise doit être ignoré de la part des passants. Ne pas apporter d’attention (sauf s’il y a violence physique avérée bien entendu) règlera bien souvent le problème.

Mais comment réagir lorsque des inconnus interviennent ? C’est simple, souriez et faites comprendre poliment que vous avez la situation en main. Ne vous emballez pas. Votre enfant voit tout. S’il voit qu’il est dans une bulle en votre compagnie et que vous ne laissez personne entrer, il arrêtera de lui même. Les inconnus se permettant de vous lancer des regards accusateurs, méprisants et agacés n’auront qu’à continuer leur chemin. Si vous êtes dans un wagon de train et que ces mêmes inconnus sont prisonniers de l’humeur de votre progéniture, détendez l’atmosphère en leur souriant, et s’ils ne vous répondent pas, parlez calmement à votre enfant en lui expliquant que « la dame/le monsieur ne semble pas apprécier le spectacle, ce qui est compréhensible ».

Quoi qu’il arrive, si vous gardez votre sang froid et que votre enfant n’est ni fatigué, ni affamé, il redeviendra très vite raisonnable. Il n’a aucun intérêt à se mettre dans un état pareil si cela ne vous touche pas, et si les gens autour ne s’occupent pas de lui. A vous de faire en sorte que les conditions soient réunies pour que vos courses ne se transforment pas en champ de bataille ! Et à ceux souhaitant partager leurs expériences, leurs anecdotes, c’est toujours amusants (après coup), de se rappeler d’un épisode qui sur le moment nous a mis dans une situation compliquée… Moment de décontraction et de réflexion intense ^^ C’est à vous !

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