Le Centre d’Information Palestinien (Palestinian Information Center) a livré une analyse remarquable sur son site concernant les Accords d’Abraham signés le 15 septembre 2020 par le gouvernement Israélien, Bahrein et les Emirats Arabes Unis (EAU). Beaucoup d’analystes musulmans ont raté le fait que certains termes de cet accord sont une menace pour la souveraineté musulmane de la mosquée Al-Aqsa dans un contexte où de plus en plus d’incursions israéliennes de colons et de soldats ont été enregistrées ces derniers mois.
Les Accords d’Abraham sont venus formaliser les déclarations communes de normalisation des relations entre Israel-Bahrein et Israel-EAU. Que ce soit dans ces déclarations communes ou dans les Accords d’Abraham, il y a une reconnaissance explicite du « Plan de paix » (Peace to prosperity / Vision for peace) du président américain Donald Trump, qui a été rendu publique le 28 janvier 2020. Il est actuellement disponible en PDF sur le site de la Maison blanche.
Les Accords d’Abraham ratifient le « Plan de paix » de Trump dans le passage ci-dessous :
Traduction : « Rappelant la réception organisée le 28 janvier 2020, au cours de laquelle le président Trump a présenté sa Vision for peace, et s’engageant [Les UAE, le Bahreïn et Israel, NDLR] à poursuivre leurs efforts pour parvenir à une solution juste, globale, réaliste et durable du conflit israélo-palestinien; »
Un danger pour les Palestiniens et une remise en cause de la souveraineté musulmane d’Al-Aqsa
Dans les déclarations communes il y a une mention de cette « Vision pour la paix » suivie d’une déclaration pour le moins curieuse : « Comme indiqué dans Vision for peace, tous les musulmans qui viennent en paix peuvent visiter et prier à la mosquée Al-Aqsa ».
Néanmoins, vu la propension du régime israélien à arrêter des enfants arbitrairement, on se demande bien qui parmi les musulmans aura droit à la mention « qui viennent en paix » sur le nouveau passeport pour Al-Aqsa délivré par Israël.
Nous devons également noter que le « Plan de paix » de Trump, qui n’a de pacifique que le nom, exclut le peuple palestinien de la table des négociations, réaffirme le statut de Jérusalem comme capitale d’un État israélien (reconnue une première fois par Donald Trump en 2017). De plus, il ignore complétement les résolutions des Nations Unies en acceptant également l’annexion de certaines régions colonisées, et l’abolition du droit du retour des palestiniens, ce qui est un mépris des aspirations légitimes d’un peuple entier.
Ensuite, une lecture attentive de cette « Vision pour la paix » met en lumière un passage tout à fait fourbe dans la partie appelée « Les lieux saints de Jérusalem » (Jerusalem Holy Sites) :
« Les lieux saints de Jérusalem doivent rester ouverts et accessibles aux fidèles pacifiques et aux touristes de toutes confessions. Les personnes de toutes confessions devraient être autorisées à prier sur le mont du Temple / Haram al-Sharif [Al Aqsa, NDLR], d’une manière pleinement respectueuse de leur religion, en tenant compte de l’heure des prières et des fêtes de chaque religion, ainsi que d’autres facteurs religieux. »
Ce passage qui se veut pacifique et universaliste est en réalité au bénéfice exclusif des israéliens, car Al Aqsa appartient aux musulmans, qui n’ont pour leur part que faire des autres lieux saints, dont ils respectent parfaitement la souveraineté juive ou chrétienne.
De nombreux intellectuels, associations et politiques dénoncent ce plan
Le journaliste Alain Gresh, spécialiste du Proche-Orient, et ancien rédacteur en chef du journal Le Monde Diplomatique a critiqué de manière véhémente ce plan de paix dans un article intitulé : « Israël-Palestine, un plan de guerre ».
Pour lui ce plan n’a rien de bon et ne résoudra pas les problématiques de la région vu que c’est en réalité un accord unilatéral qui ne privilégie que l’intérêt israélien. Alain Gresh donne tout de suite le ton en commençant ainsi son article : « Concocté par Washington sans l’implication des Palestiniens, le plan de M. Donald Trump pour la paix au Proche-Orient satisfait aux principales exigences d’Israël. Outre qu’il entérine l’annexion de toutes les colonies et de la vallée du Jourdain — dispositions contraires aux résolutions des Nations unies —, l’« accord du siècle » prive un éventuel État palestinien du moindre attribut de souveraineté. »
Pour Steven Cook, du cercle de réflexion Council on Foreign Relations, ce plan « ne fait en aucun cas avancer la cause de la paix. »
Le quotidien libéral israélien Ha’Aretz affirme que cette pseudo-solution de Trump va « déstabiliser toute la région » car elle confirme l’occupation israélienne.
Il y a également eu une retentissante tribune collective de 50 anciens ministres des Affaires étrangères européens ou diplomates qui ont dénoncé un plan « en contradiction avec les paramètres convenus au niveau international pour le processus de paix au Moyen-Orient, les résolutions pertinentes des Nations unies, notamment la résolution 2 334 du Conseil de sécurité, et les principes les plus fondamentaux du droit international ». Ils ont ajouté qu’«au lieu de promouvoir la paix, il risque d’alimenter le conflit – au détriment des civils israéliens et palestiniens et avec de graves implications pour la Jordanie et la région au sens large. Il a suscité une opposition généralisée dans la région, en Europe et aux États-Unis. »
Les exemples sont encore nombreux et on voit que l’opposition est étendue au niveau international.
Les Émirats et le Bahreïn pensent pouvoir se substituer aux Palestiniens et aux musulmans
Dans la présentation du « Plan de paix » de Donald Trump sur le site de la Maison blanche, il est affirmé solennellement : « La Maison Blanche est heureuse de partager la vision du président Trump pour un accord de paix global entre Israël et les Palestiniens. Cette vision est la solution la plus réaliste à un problème qui sévit depuis trop longtemps dans la région. Il crée un chemin vers la prospérité, la sécurité et la dignité pour toutes les parties concernées. Si les parties peuvent s’entendre sur ce cadre comme base de négociations, le potentiel tant pour les Israéliens que pour les Palestiniens et la région est illimité.»
Ici il faut bien noter la dernière partie: « Si les parties peuvent accepter cette comme base pour les négociations. »
Comment alors Bahreïn ou les EAU peuvent-ils ratifier ce plan à travers la signature des Accords d’Abraham, en se substituant à l’une des deux parties, en l’occurrence le peuple palestinien qui n’a nullement été consulté ?
Cet entente intitulée donc les « Accords d’Abraham », aurait comme vocation de mettre sur un pieds d’égalité pacifique les musulmans et les juifs, héritiers du prophète Abraham [‘alayhi salam], mais n’a en réalité qu’une portée extrêmement limitée vu que les Emirats et le Bahreïn ne représentent à eux deux que 0.6 % de la population musulmane mondiale, ce qui est ridiculement bas. Et il n’est pas non plus confirmé que les habitants de ces pays soutiennent leurs dirigeants dans cette démarche de normalisation avec l’entité sioniste.
Le régime israélien pense-t-il vraiment avoir obtenu un crédit arabo-islamique pour pouvoir pénétrer légitimement dans un lieu saint de l’Islam ? Les musulmans ne sont pas dupes, et cette prétendue attitude pacifique ne cache en réalité qu’une volonté sioniste de détruire Al-Aqsa et de construire à la place le troisième temple du prophète Salomon [‘alayhi salam]. Nous et notre Seigneur en sommes témoins.
Nous pouvons aussi constater que les manœuvres des injustes ne les mènent qu’à leur perte ; nous pouvons prendre l’exemple du premier ministre israélien Netanyahou, qui est sous le coup d’une triple inculpation judiciaire pour corruption ; et de Donald Trump, « le plus grand ami qu’Israël a jamais eu » (Cf. Netanyahou), qui malgré toutes ses concessions et son aide inconditionnelle aux israéliens, se retrouve en fin de compte isolé et humilié par son comportement, tout comme il a humilié internationalement son propre pays en rendant publique ses soupçons de fraude électorale massive. Est-ce cela « la plus grande démocratie au monde », le modèle qui se veut être un exemple pour la planète ?
Pour conclure, il est clair que depuis les anciens prophètes [‘alayhimou salam], Allah a voulu garder cette région du Sham centrale dans l’Histoire des musulmans et de l’humanité, et les vaines tentatives de quelques amuseurs publics d’accélérer l’Histoire en leur faveur ne se solderont au final que par un échec, car la promesse d’Allah est véridique et Sa justice sera appliquée.