Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a dévoilé ce mardi les prochaines mesures du plan anti-terrorisme du gouvernement, afin de lutter contre les filières « djihadistes » vers la Syrie. Ces mesures devraient être mises en œuvre ces prochains jours, après une présentation en Conseil des ministres qui a eu lieu mercredi 23 avril.
Cette annonce fait suite au discours de François Hollande à l’Institut du monde arabe, dans lequel il a assuré que la France allait tout mettre en œuvre pour lutter contre ces filières.
Vers plus de répression
Par exemple, la mise à diposition d’un numéro vert pour les familles de mineurs concernées, comme Dounia Bouzar le demandait. Plus sérieusement, il est même question d’une plateforme de signalement sur internet « à destination des familles qui constatent que leurs enfants sont en rupture ». Cette mesure vise principalement à anticiper un éventuel départ, et à permettre aux parents de s’y opposer avec l’aide du gouvernement.
Cet esprit de dénonciation peut déranger, dans l’idée même qu’un musulman paraissant suspect aux yeux de certains pourrait être inquiété pour des intentions qu’il n’a en aucun cas. Quelle serait la limite entre appel à l’aide et calomnie ?
Le développement des cyberpatrouilles est également évoqué, afin d’intensifier « la surveillance sur Internet » en généralisant « l’enquête sous pseudonyme à l’ensemble des activités à caractère terroriste et à toutes les infractions de communication associées. » En clair, les enquêteurs seront infiltrés dans les milieux pro-jihad en Syrie sous de fausses identités, et seront formés à pouvoir échanger sans être mis à jour.
D’autres mesures parlaient d’un système de coopération internationale au niveau Schengen, de privation de passeport, de gel d’avoirs, voir de suppression de nationalité française. En bref, un service de renseignement qui se retrouverait renforcé, avec davantage de pouvoirs et de moyens, dans le but de dissuader certains hommes depuis leur « radicalisation » jusqu’au passage à l’acte, d’après le gouvernement.
Radical, terroriste, djihadiste ?
Nous nous interrogeons ici sur l’amalgame entre « djihadisme » et « terrorisme », tant le glissement d’un point de vue lexical est important. Si le gouvernement français, comme l’ONU, a dénoncé le régime de Bachar el-Assad au point d’envisager avec d’autres états occidentaux d’intervenir sur place, en quoi l’initiative d’hommes majeurs serait-elle assimilable à du terrorisme ? En effet, la question même des intentions de ces individus, tous différents les uns des autres, est très complexe. Est-ce le statut illégal du combattant étranger en Syrie (non-enrôlé dans une armée officielle) qui dérange, ou bien le fait qu’un musulman citoyen français s’engage par les armes à l’international ? Si c’était le cas, il serait nécessaire dès lors de juger l’ensemble des citoyens français qui partent combattre à l’étranger par conviction, juifs ou chrétiens.
Par ailleurs, « le cœur du problème est qu’on ne peut pas arrêter quelqu’un sur de simples intentions », souligne Dominique Thomas, nommé « spécialiste de l’islamisme radical à l’Ecole des hautes études en sciences sociales » (qu’est-ce-que le radicalisme ?). Il est notoire que les sites « djihadistes » sont déjà surveillés, et la censure de ceux-ci est pratiquement irréalisable.
« Avoir l’intention de partir faire le djihad, avant d’avoir fait quoi que ce soit, n’est pas pénalement répréhensible. Il faut engager des efforts de pédagogie et de déradicalisation ». Mais lesquels ? Cette généralisation est-elle réellement applicable à l’ensemble des candidats au jihad en Syrie ?
Reste la question très délicate de distinguer le « djihadiste » du « terroriste » selon les critères français, la différence entre l’intention, l’affinité et l’action, et le jugement de ceux-ci, à venir. La sénatrice écologiste Esther Benbassa, suite à l’annonce du plan, a parlé de « diversion pour ne pas parler du plan d’économies de Manuel Valls ».