Ajib.fr a eu l’opportunité de rencontrer une jeune femme palestinienne, originaire de Gaza. En tant que gazaouie, elle témoigne de la vie quotidienne dans la bande de Gaza sous le blocus israélien. Engagée, et pharmacienne, elle nous fait également part de quelques lacunes du système de santé.
Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Originaire de Gaza, je suis arrivée à Toulouse il y a un peu plus d’un an. Pharmacienne, je suis ici en France dans le cadre d’une formation en gestion des entreprises sociales et de santé.
Pouvez-vous nous parler de votre expérience et de votre vécu en tant que pharmacienne à Gaza ?
A Gaza, j’ai travaillé dans un centre de soin primaire qui dépendait de l’ONU. Ce centre composé d’une équipe de médecins, d’infirmiers, et de pharmaciens, propose des soins aux gazaouis. Durant mon service, je me suis rendue compte des lacunes du système médico-pharmaceutique de Gaza. En effet, le centre ne répondait pas convenablement aux besoins de la population locale.
De septembre 2008 à janvier 2009, j’ai travaillé en tant que pharmacienne durant la guerre. Au cours de cette période, le centre accueillait 2000 bénéficiaires, alors qu’il a une capacité d’accueil de 700 révélant une absence de stratégie de développement durable dans le secteur de la santé.
Après de nombreux stages, et de missions dans des pharmacies privées, des associations, et des ONG, et après avoir étudié l’environnement médico-social, je me suis aperçue des défaillances du système de santé à Gaza. Sans oublier le chômage de masse, la pauvreté, et la situation politico-économique qui ne font qu’aggraver la situation.
Je me suis cependant concentrée sur un constat : l’absence d’une stratégie dans le domaine de la santé, dont je vais souligner les trois principales lacunes.
Tout d’abord, il existe un déséquilibre notable quant à la répartition des tâches en matière de santé. Le Gouvernement et des centres de soin gèrent le service population, tandis que le service réfugiés est géré par les centres de soin de l’UNRWA. Cependant, le service réfugiés représente près de 70% des habitants de Gaza.
Le deuxième point crucial concerne l’absence de stratégie, et même d’une vision globale en matière de gestion de crise dans le secteur de la santé. Aucune stratégie de développement durable et à long terme n’a été mise en place. Aucune analyse n’est faite des besoins de la population gazaouie. Concrètement, les médicaments envoyés par des ONG ne conviennent pas forcément. Les besoins ne sont donc pas définis, anticipés, analysés. De nombreux médicaments sont envoyés certes, mais ne sont pas utilisés dans la mesure où ils ne conviennent pas aux problèmes de santé, entraînant un véritable gâchis.
Troisième point, le secteur privé devrait être davantage renforcé, dans le but de désengorger le secteur public beaucoup trop saturé.
Développer le secteur privé, tout en respectant le pouvoir d’achat limité des gazaouis, permettrait de diminuer le stress des hôpitaux publics, et de leurs personnels dépassés par la charge de travail, et le nombre de patients.
In fine, l’établissement d’une stratégie en matière de gestion de crise dans le domaine de la santé s’impose. Si on définit bien les besoins et qu’une meilleure organisation est établie, il y aura une meilleure gestion et une meilleure qualité de service de santé. Une stratégie à long terme permettra également de dépendre moins de l’extérieur. Comme le dit si bien l’adage, mieux vaut apprendre à pêcher que de donner un poisson.
C’est dans cette optique, que je souhaite réaliser une formation afin de contribuer à mettre en place dans un avenir prochain, m’intéressant de près à la situation sanitaire et médico-sociale à Gaza.
Comment vivent au quotidien les habitants de Gaza ?
La première chose qui m’a marqué en arrivant en France est la grande compassion des français, et même parfois de la pitié. Il est vrai qu’à la télévision, Gaza, c’est tout le temps la guerre, mais en réalité, la vie continue, les gens sont confiants, positifs, mènent une vie (quasi) normale, il y a des bons moments, les gens sortent, et après tout, il faut bien vivre.
Hormis le blocus israélien sur Gaza, le fléau dans cette enclave est le chômage de masse. Pour 1 500 personnes actives, il n’y a que 36 postes à pourvoir. Près de 80% de la population est au chômage. Personne ne dort vraiment dans la rue, mais les difficultés demeurent quotidiennes. Heureusement, la solidarité entre les habitants est très forte, tout le monde s’entraide. Tout le monde fait de la « récup », rien ne se jette, les habits de l’un iront à l’enfant suivant, aux enfants du voisin, etc.
Malgré les difficultés quotidiennes, le taux de fécondité reste l’un des plus élevés au monde avec environ 8 enfants en moyenne par femme. Finalement, nous résistons par notre existence même.
Le blocus israélien alimente sans cesse le chômage : les pêcheurs sont très limités pour pêcher, des paysans ont perdu leurs terres agricoles, le marché de l’emploi est défaillant (pas assez d’offre pour la forte demande). Nous avons également des problèmes de sécurité, mais aussi des problèmes constants d’électricité affectant lourdement la bande de Gaza (sans oublier le matériel des hôpitaux).
Pourtant, au niveau de l’enseignement, les gazaouis sont très diplômés. Nous avons 10 universités dans la bande de Gaza, et un taux d’analphabétisme quasi nul.
Parmi les ressources financières, les dons des organisations internationales et des associations sont réguliers, mais il y a aussi ceux de la diaspora palestinienne.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles sont confrontées les gazaouis pour se soigner (médicaments, soins médicaux) ?
Au niveau des ressources matérielles, il existe une réelle déficience. Les médicaments ne sont pas toujours suffisants. Les déplacements du personnel médical sont aussi extrêmement compliqués.
Au niveau de la formation des médecins, il y a également une absence de stratégie et les besoins ne sont pas bien définis. Certains médecins ont des spécialités dont nous n’avons pas trop besoin à Gaza, et à l’inverse, d’autres spécialités manquent cruellement. Le personnel médical ne peut donc répondre convenablement aux véritables besoins. Au niveau des hôpitaux, le matériel médical est également déficient.
Qu’en est-il de l’industrie pharmaceutique en Palestine ?
En Cisjordanie, il existe deux industries pharmaceutiques, et à Gaza, une industrie pharmaceutique. Elle a été créée il y a près 10 ans, mais elle a été bombardée plusieurs fois pendant l’offensif « plomb durci ».
En raison de ces bombardements, il y eut plusieurs phases de suspension de travail. Si l’entreprise pharmaceutique est bombardée, on ne peut plus respecter les normes d’élaboration des médicaments, retardant le processus de fabrication. La liste des médicaments élaborés est pour l’instant limitée.
Les employés eux-même rencontrent des difficultés dans leur travail quotidien. Ils sont parfois interrompus par les soldats israéliens qui se rendent dans l’usine.
Certains employés ne peuvent pas toujours venir, en raison des contrôles. A noter que l’endroit de son implantation est délicat puisque l’entreprise pharmaceutique se situe au niveau de la frontière de Gaza avec Israël.
Comment pouvons-nous aider le peuple de Gaza ?
Il existe beaucoup d’ONG qui effectuent un travail remarquable sur place que j’ai eu l’occasion de croiser, et que nous pouvons soutenir (Secours Islamique, Croix Rouge, Secours Catholique, Action Contre la Faim, etc).
En tant que croyant, nous pouvons poursuivre et multiplier les invocations pour le peuple gazaoui. Il faut s’en remettre à Dieu Le Tout-Puissant.
Quel message aimeriez vous nous transmettre ?
J’aimerais que les personnes gardent tout de même à l’esprit une note positive : globalement le peuple de Gaza reste soudé, solidaire, confiant et fort.
Le conflit israélo-palestinien, est l’un des plus vieux au monde. Il s’éternise, et de nombreuses générations naissent sous la guerre, grandissent avec, mais personne ne s’habitue réellement à elle. La violence ne doit pas se banaliser. Aucune guerre ne doit connaître la banalisation. Bien que nous vivons avec ce conflit nous ne pouvons nous habituer à la violence. Nous poursuivons notre vie comme tout le monde, car après tout, ce qui nous est destiné, adviendra…
« Combien de prophètes ont combattu, en compagnie de beaucoup de disciples, ceux-ci ne fléchirent pas à cause de ce qui les atteignit dans le sentier d’Allah. Ils ne faiblirent pas et ils ne cédèrent point. Et Allah aime les endurants ». (Sourate La famille d’Imran verset 146)
Douha pour nos frères et sœurs. Quel leçon de courage à travers cet interview, on devrait s’inspirer de cela pour ne pas perdre confiance ici, avec l’islamophobie actuel….
Assalamou alaykoum wa rahmatoullah je trouve cette interview tres emouvante ma sha allah sa ns ft bcp mediter sur la vie de tout les jour et sa ft dautant plus plaisirs que les palestions soit eduquer 10 universiter ma sha allah c super !! Qu allah leur vienne en aide et leur facilite la vie in sha allah
Palestine vivra palestine vaincra ❤