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Beaucoup d’encre a coulé ces dernières semaines, beaucoup de personnes se sont exprimées, beaucoup de débats, témoignages, tribunes, éditos, articles, et autres éditions spéciales, ont été retransmis par les médias de tout bord pour essayer d’analyser, disséquer l’information, les causes, les conséquences, les actions en cours, les actions à venir, les explications historiques, sociales, sociétales, économiques, politiques, démographiques, géopolitiques, philosophiques et même religieuses… Qu’en conclure ?

Que l’on doit faire une guerre « totale » (mais à coup de frappes aériennes seulement) sans discernement, sur un ennemi clairement identifié mais aux contours géographiques bien flous, là-bas dans un Proche-Orient déjà complètement anéanti par la guerre, tout en donnant une « license to kill and torture » à un sanguinaire dictateur qui alimente ce conflit depuis des années déjà? Que l’on doit perquisitionner, réquisitionner, inquisitionner tout individu qui serait de près ou de loin un terreau possible dans un futur proche ou lointain de cette putride idéologie violente et dangereuse qui pourtant par définition est une idéologie de rupture et de divorce avec tout le passé des individus qui l’adoptent? Que l’on doit aseptiser les mosquées en France, et en particulier certaines qui ont une activité cultuelle et éducative étrangement fiévreuse, de toute bactérie de « l’islam radical » qui aurait tendance à muer dans un terrain très (trop?) fertile en dangereuse épidémie de kamikazie aigüe, même si l’on sait trop bien que celle-ci ne s’attrape pas par la fréquentation des mosquées mais par exposition sans immunité à des porteurs du virus sur Internet? Que l’on doit abattre toutes les cartes à coup de marseillaise, manifeste citoyen, appareil législatif, bien-pensée vindicative, et autres unions sacrées pour gagner la partie en une seule mise et pour longtemps contre un ennemi à peine identifié et en constante évolution que beaucoup avant nous ont essayé d’abattre sans succès?

Permettez-moi de douter de tout ou partie de cela…
Et de vous annoncer, sans fard, sans hypocrisie, que comme beaucoup de musulmans comme moi, de français comme moi, ou même d’humains comme moi je pense, je ne comprends pas trop ce qu’il se passe dans notre monde aujourd’hui…Mais je suis allergique aux explications simplistes et fantaisistes de phénomènes complexes et consanguins qui traversent les barrières des langues, des frontières, des générations et qui alimentent les conflits, la haine et la violence partout dans le monde, cette violence qui a frappé Paris en son cœur le 13 novembre dernier, mais qui a frappé avant et après cela et depuis des siècles déjà beaucoup de pays, beaucoup de nations, et sous de multiples bannières. J’ai la conviction que les analyses et diagnostics des experts qui défilent sur les plateaux télés n’ont pas donné grand-chose à part une meilleure caractérisation des symptômes peut-être (et encore…), et qu’il faut poursuivre les recherches et s’adresser aux véritables chercheurs et savants du phénomène pour identifier les germes infectieux, les causes de l’infection, les mécanismes de reproduction et propagation, et commencer à sérieusement à discuter des traitements possibles pour sauver les sujets contaminés et leurs victimes. Et qu’avec cela il faut prier, beaucoup prier, pour que le Créateur soigne les corps et les cœurs.

Non, guérir des maladies infectieuses n’a jamais été aussi facile qu’asperger d’alcool à brûler les patients atteints ou de prononcer une sortie disciplinaire pour expulser le plus loin possible de l’hôpital les sujets de l’infection…A ma connaissance on n’a jamais fait de la prévention de la tuberculose en mettant sous quarantaine les individus qui respirent un peu fort…Non, les maladies sociales, comme la tuberculose, demandent beaucoup d’efforts pour être combattues efficacement. Un travail de prévention ciblé, mais aussi un travail large sur les conditions de nutrition, d’habitat, d’hygiène et d’éducation des populations. Chaque initiative positive et courageuse mérite d’être encouragée, aussi bien les analyses scientifiques et objectives (trop rarement mises en avant…) de chercheurs en sociologie et islamologie comme Raphaël Liogier, qui viennent contrer les analyses approximatives et délirantes des experts auto-proclamés surmédiatisés, que les prêches d’imams ou conférenciers apolitiques qui rappellent simplement et preuves à l’appui que l’Islam est innocent de ces folies meurtrières.

Oui, n’en déplaise à certains, on a autant besoin du prédicateur salafiste, qui rappellera par exemple que parmi les Compagnons du Prophète salla Allah ‘alaihi wa sallam, il y avait une minorité qui vivait en paix et en bonne intelligence dans un pays non musulman, et qui exhortera les fidèles à suivre ce bel exemple de Jaafar ibn abi Talib qui annonçait au Négus « nous sommes venus dans votre pays, et nous vous avons choisi parmi tant d’autres, avec le désir de gagner votre protection et dans l’espoir de vivre dans la justice et la paix, parmi vous » ; que de prédicateurs plus âgés peut-être et plus engagés dans le vivre ensemble qui cherchent à renforcer tant bien que mal les liens des musulmans avec la société laïque ; des acteurs associatifs engagés qui drainent l’énergie d’une jeunesse en quête d’idéal vers des luttes humanitaires contre la faim, la pauvreté, l’ignorance et la maladie à travers le monde (LIFE, Baraka City, Ummah Charity et tous les autres), sans mettre la République en danger; que d’entrepreneurs et entrepreneuses, barbus ou non, voilées ou non, français ou non, qui développent de l’activité professionnelle et de la création de richesse là ou il n’y en avait pas, le meilleur remède contre les commerces illicites ; que de médias religieux ou sociaux qui avec leurs faibles moyens essaient de contribuer à cet effort commun contre l’ignorance et pour la réussite dans nos sociétés ou que de plumes individuelles qui avec beaucoup de talent écrivent et partagent parfois sur de prestigieux médias le fonds de leur pensée.

Prions pour poursuivre tous ensemble et avec sincérité ces nobles causes pour récolter les fruits de nos efforts, en paix, en bonne intelligence et avec beaucoup d’humilité.

 

Par Ibn Battuta

By Younes

One thought on “[EDITO DE LA SEMAINE] Si Jaafar était parmi nous…”
  1. salam complement d accord d ailleurs les musulmans quelque soient leurs tendances, leurs doctrines, leurs races, ou leurs cultures, doivent veiller à l’union, l’entente entre eux et l’entraide. Le respect des opinions et des convictions des autres est la règle d’or en Islam. Les musulmans doivent ainsi travailler en commun et être solidaire dans un esprit d’amour et de fraternité, ceci pour le bien de la communauté et de l’humanité.

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