Relire la première partie : Définition & histoire du sionisme par l’historienne Sandrine Kott (partie 1)
La colonisation de la Palestine
Incontestablement, la question des habitants arabes de Palestine n’était pas au centre des préoccupations des premiers dirigeants sionistes. Si Achad A’am avait, dès 1891, mis en garde contre les difficultés prévisibles entre arabes et colons juifs, les premiers colons juifs se sont peu souciés de discuter avec les populations locales qu’ils considéraient comme leurs cousins naturels et qui, selon eux, devaient se réjouir des bienfaits de la civilisation dont ils allaient les doter. L’activité de Theodor Herzl a surtout consisté à entreprendre d’incessantes actions diplomatiques afin d’obtenir l’appui des grandes puissances occidentales et des concessions du sultan ottoman.
En dépit de la résistance des autorités ottomanes, 40 000 juifs émigrent toutefois vers la Palestine entre 1881 et 1904 (première aliyah), mais près des deux tiers d’entre eux la quittent pour émigrer aux USA. En 1904, on compte une vingtaine de colonies juives en Palestine. Celles-ci sont très dépendantes de la diaspora juive à travers des dons, elles le sont également des métayers arabes qui cultivent les terres.
La situation évolue à partir de la mort de Herzl en 1904, son successeur David Wolffsohn impulse au cours du 7ème congrès (1905) une ligne plus pragmatique qui consiste à intensifier les achats de terre et la colonisation sur place en dépit de blocages diplomatiques. En 1914 la population juive en Palestine atteint 80 000 personnes contre environ 1 million d’arabes. En dépit de ces chiffres très modestes, les historiens admettent toutefois que la seconde aliyah a posé les fondements du foyer juif et du futur état. Elle lui a en particulier fourni le personnel politique, les premiers partis et les structures politiques/économiques. La première exploitation collective (ancêtre du kibboutz) voit le jour en 1909, comme la ville de Tel aviv. Les premières organisations paramilitaires protégeant les colonies juives apparaissent.
La Palestine sous mandat
En 1917, le ministre britannique lord Balfour affirme que le gouvernement de son pays voit « avec faveur l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ». Le mandat sur la Palestine remis par la Société des Nations (ancêtre de l’ONU) aux autorités britanniques en 1922 stipule que celles-ci doivent « placer le pays dans les conditions politiques, administratives et économiques garantissant l’établissement d’un foyer national juif ». En 1939, les 400 000 juifs de Palestine constituent presque un tiers de la population du territoire.
Alors que les grands propriétaires arabes absentéistes continuent jusque dans les années 1920 de vendre leurs terres, les métayers arabes, qui ne trouvent plus d’emploi, sont désormais privés de ressources.
L’émergence d’un Etat-nation
David Ben Gourion est élu à la tête de l’exécutif à Jérusalem en 1935. Dans la lutte contre les arabes d’une part, contre les britanniques de l’autre (qui avait commencé à poser des restrictions à l’immigration pour ne pas perdre les alliés arabes), se stabilise le mythe fondateur essentiel du futur état, celui de « l’héroisme combattant juif », diffusé par des romans épiques et par la construction de figures héroiques comme celle de l’officier Joseph Trumpeldor, tué avec sept autres colons juifs lors d’une échauffourée. Il sert de fondement à une réécriture de l’histoire des origines, où la résistance, celle des zélotes juifs contre les légions romaines à Massada en 73 par exemple, joue un rôle essentiel. Il est encouragé chaque jour par les exhortations d’hommes politiques qui, à l’image de David Ben Gourion, en appellent à la vigilance juive. Ce culte de l’héroisme, envers de l’image négative de la soumission de l’éternelle victime juive, alimente une sorte de militarisme qui l’emporte progressivement dans la culture politique sioniste.
Conclusion
A force d’acharnement, le yichouv était déjà presque un état en 1940. C’est pourtant la mauvaise conscience du monde occidental face au génocide et l’épopée sinistre du navire l’Exodus refoulé en juillet 1947 à son arrivée en Palestine avec à son bord 4400 survivants des camps nazis qui vont rendre possible la fondation d’israël.
L’état juif, né à la croisée de diverses influences culturelles et politiques européennes, est bien le produit de l’antisémitisme occidental et n’aurait pu exister sans l’accord de ces mêmes puissances. Pour Ben Gourion, ce lien devait se rompre. L’état juif devait conduire à l’extinction de la diaspora. Toutefois, même si une vague d’immigration submerge le pays, seuls moins de 5millions de juifs vivent en israël sur 13millions, attestant qu’une identité juive peut exister en dehors de l’état national. »
Il est nécessaire d’expliquer et de montrer l’aspect idéologique-nationaliste du sionisme tel qu’il est analysé dans cet article, pour que le monde sache à quel point ce phénomène peut être dangereux et est à l’origine de nombreuses injustices.
Par Lila, 26/11/2013