Rhétorique des partis d’extrême droite, loi sur le séparatisme, islamophobie au quotidien dans la rue, à l’école, au travail… L’islamophobie est devenue une industrie qui rapporte beaucoup à certains partis politiques (de plus en plus de tout bord) et acteurs de la vie publique, qui exploitent la peur et veulent malheureusement échanger la paix civile contre l’hystérie collective ; tout cela dirigé par une démagogie intéressée et un orgueil aveugle.
Autant de raisons qui nous poussent à rappeler quelques vérités historiques concernant les penseurs du passé et leur rapport à l’islam.
En effet, il est connu qu’il fut un temps où l’islam et le prophète Mohamed [‘alayhi salat wa salam] étaient respectés, pour ne pas dire aimés, par une partie du monde intellectuel et scientifique en occident.
Voilà pourquoi nous sommes heureux de vous partager aujourd’hui une petite série qui fera le tour des hommages que des penseurs non-musulmans ont pu rendre à notre religion.
Nous saluons également les autres initiatives qui vont en ce sens, notamment le livre du Dr. Salim Laibi « Ils aiment l’Islam: Anthologie des écrits des grands auteurs occidentaux ».
Nous espérons que cela montrera à tous qu’il y eut, et qu’il y a encore de nos jours, des sages qui, sans partager nos croyances, ont de la justice en eux-mêmes.
Ils ont compris et ont attesté que, objectivement, le message de l’Islam est profitable à l’humanité mais aussi que le messager d’Allah [‘alayhi salat wa salam] était noble et digne de considération et fut une personnalité sans pareil dans l’histoire.
Dans ce premier article, nous aimerions vous partager un beau poème de Victor Hugo qui retrace, avec les connaissances qu’il a pu avoir à l’époque, les derniers moments de notre cher prophète [‘alayhi salat wa salam].
Mais ce n’est pas un hasard si cet humaniste, dont l’œuvre n’a cessé de dénoncer les injustices sociales et défendre la cause des pauvres, ait voué une profonde admiration pour le messager d’Allah qui a tant fait pour les démunis. Et on ressent cette admiration dans ce poème à travers son style que l’on perçoit si mélancolique, comme s’il partageait la peine des compagnons [radiaAllahou ‘anhoum].
Rappelons que Victor Hugo fut un écrivain, poète et dramaturge considéré comme l’un des plus grands de l’histoire de la littérature française.
Titre du poème : « An 9 de l’Hégire ».
Il jeûnait plus longtemps qu’autrui les jours de jeûne,
Quoiqu’il perdît sa force et qu’il ne fût plus jeune.
À soixante-trois ans, une fièvre le prit.
Il relut le Koran de sa main même écrit,
Puis il remit au fils de Séid la bannière,
En lui disant : «Je touche à mon aube dernière,
Il n’est pas d’autre Dieu que Dieu. Combats pour lui.»
Et son œil, voilé d’ombre, avait ce morne ennui
D’un vieux aigle forcé d’abandonner son aire.
Il vint à la mosquée à son heure ordinaire,
Appuyé sur Ali, le peuple le suivant ;
Et l’étendard sacré se déployait au vent.
Là, pâle, il s’écria, se tournant vers la foule :
«Peuple, le jour s’éteint, l’homme passe et s’écoule ;
La poussière et la nuit, c’est nous. Dieu seul est grand.
Peuple, je suis l’aveugle et je suis l’ignorant.
Sans Dieu je serais vil plus que la bête immonde.»
Un scheik lui dit : «Ô chef des vrais croyants ! le monde,
Sitôt qu’il t’entendit, en ta parole crut ;
Le jour où tu naquis une étoile apparut,
Et trois tours du palais de Chosroès tombèrent.»
Lui, reprit : «Sur ma mort les anges délibèrent ;
L’heure arrive. Écoutez. Si j’ai de l’un de vous
Mal parlé, qu’il se lève, ô peuple, et devant tous
Qu’il m’insulte et m’outrage avant que je m’échappe ;
Si j’ai frappé quelqu’un, que celui-là me frappe.»
Et, tranquille, il tendit aux passants son bâton.
Une vieille, tondant la laine d’un mouton,
Assise sur un seuil, lui cria : « Dieu t’assiste!»
(…)
Il ajouta : «Croyez, veillez ; courbez le front.
Ceux qui ne sont ni bons ni mauvais resteront
Sur le mur qui sépare Éden d’avec l’abîme,
Étant trop noirs pour Dieu, mais trop blancs pour le crime ;
Presque personne n’est assez pur de péchés
Pour ne pas mériter un châtiment ; tâchez,
En priant, que vos corps touchent partout la terre ;
L’enfer ne brûlera dans son fatal mystère
Que ce qui n’aura point touché la cendre, et Dieu
À qui baise la terre obscure, ouvre un ciel bleu ;
Soyez hospitaliers ; soyez saints ; soyez justes ;
Là-haut sont les fruits purs dans les arbres augustes (…) »
Il s’arrêta, donnant audience à l’esprit.
Puis, poursuivant sa marche à pas lents, il reprit :
«Ô vivants ! je répète à tous que voici l’heure
Où je vais me cacher dans une autre demeure ;
Donc, hâtez-vous. Il faut, le moment est venu,
Que je sois dénoncé par ceux qui m’ont connu,
Et que, si j’ai des torts, on me crache au visage.»
La foule s’écartait muette à son passage.
Il se lava la barbe au puits d’Aboulféia.
Un homme réclama trois drachmes, qu’il paya,
Disant : « Mieux vaut payer ici que dans la tombe. »
L’œil du peuple était doux comme un œil de colombe
En regardant cet homme auguste, son appui ;
Tous pleuraient ; quand, plus tard, il fut rentré chez lui,
Beaucoup restèrent là sans fermer la paupière,
Et passèrent la nuit couchés sur une pierre.
Le lendemain matin, voyant l’aube arriver :
« Aboubèkre, dit-il, je ne puis me lever,
Tu vas prendre le livre et faire la prière. »
Et sa femme Aïscha se tenait en arrière ;
Il écoutait pendant qu’Aboubèkre lisait,
Et souvent à voix basse achevait le verset ;
Et l’on pleurait pendant qu’il priait de la sorte.
Et l’ange de la mort vers le soir à la porte
Apparut, demandant qu’on lui permît d’entrer.
« Qu’il entre. » On vit alors son regard s’éclairer
De la même clarté qu’au jour de sa naissance ;
Et l’ange lui dit : « Dieu désire ta présence.
— Bien, » dit-il. Un frisson sur ses tempes courut,
Un souffle ouvrit sa lèvre, et Mahomet mourut. »
Victor Hugo
Très heureux d’être avec mes frères