Les images de la Grande Mosquée de la Mecque vidée de ses pèlerins en raison de la crise actuelle du Coronavirus ont fait le tour du monde. Effectivement, quelle douleur pour tous les musulmans de voir leur Qibla, la Kaaba, vide de pèlerins et Mutawwifin, et quelques jours plus tard une cloison érigée tout autour de la Kaaba pour éviter la transmission du virus. Cependant, beaucoup auront compris que le Masjid al Haram est fermé alors que cela est faux: le Tawaf ne s’est jamais interrompu (Tawaf au premier étage) et les cinq prières ainsi que la prière de vendredi sont toujours effectuées dans la Grande Mosquée.
Quelques jours plus tard, et de façon progressive, c’est au tour des mosquées de pratiquement tous les pays où le virus s’est répandu d’appliquer des mesures similaires: suspension de la prière du Vendredi à la Mosquée de Paris, communiqués de plusieurs mosquées réduisant le nombre de fidèles pour la prière du vendredi ou multipliant le nombre d’offices, et puis même fermeture complète de certaines mosquées pour des raisons de santé publique.
Nous ne sommes pas en mesure de commenter individuellement ces décisions prises par les personnes responsables de leurs édifices religieux mais suite à plusieurs réflexions sur le sujet nous souhaitons partager quelques éléments primordiaux face à ces mesures d’exception:
- Fermer complètement la mosquée n’est pas conseillé par les Grands Savants, y compris si une menace de transmission de virus est présente. Les Grands Savants ont autorisé dans différentes fatwas ceux qui ont peur de transmettre le virus ou de se voir inoculer le virus pendant la prière (en particulier les personnes âgées ou faibles) de ne pas fréquenter les mosquées, mais ceci n’implique pas forcément de fermer complètement la mosquée.Ainsi maintenir les maisons d’Allah allumées, mêmes si les portes extérieures sont closes, et maintenir le Adhan et les cinq prières, même si l’office n’est pratiqué que par l’imam lui-même et son Mouadhin est mieux que d’interrompre l’office dans nos mosquées qui nous sont si chères.
- S’agissant de la prière du vendredi également, il est à noter que la présence de trois personnes seulement, l’imam et deux personnes qui assistent à la Khoutba, est suffisante selon l’unanimité des savants pour officier la prière du vendredi. Quels sont les avantages de maintenir la prière même si personne d’autre n’est autorisé à y assister? Ils sont nombreux.La Khoutba peut tout d’abord être enregistrée et partagée sur les réseaux sociaux ou téléphones facilement, et toute la communauté peut donc continuer à suivre les enseignements et les rappels (si possible en direct!) comme si elle assistait à la Khoutba, Par ailleurs, le sentiment que la lumière de l’enseignement Prophétique continue à luire dans nos lieux de culte est important pour que nos coeurs s’apaisent: avec ou sans nous cette religion continuera de briller incha’Allah.
Enfin, ceci est un rappel pour tous de nos priorités dans cette vie: dans les objectifs supérieurs de l’islam (maqasid al-chari’a) la foi précède la vie ou la raison, car elle est garante de toutes les autres finalités dans le dogme du musulman. Donc continuer à donner à cette lumière de la foi préséance sur toutes les autres lumières est primordial. Rappelons enfin à ce titre que si l’un d’entre nous souhaite officier en petit groupe, voire en famille uniquement la prière du vendredi car la mosquée locale est fermée, rien ne l’y empêche tant qu’il a un minimum de science pour diriger une khoutba et qu’il prie en compagnie de deux autres personnes au moins de sa famille ou son entourage.
- La fermeture potentielle des lieux de culte ne doit pas conduire à l’isolement complet de la communauté. En particulier des plus faibles! La mosquée joue ce rôle de lien social dans notre communauté que beaucoup d’autres communautés nous envient. Nos personnes âgées en particulier, qui s’attachent à fréquenter les lieux de culte assidûment, ont construit au fil des années des amitiés et des habitudes qui tournent autour de la mosquée. Si ces habitudes s’interrompent, même momentanément, le risque de voir leur santé et leur état se détériorer, en particulier dans une période de trouble comme celle que l’on traverse, est très sérieux.De véritables chaînes de solidarité locales doivent se mettre en place. Nous conseillons aux responsables associatifs de recueillir les noms, numéros de téléphone et adresses de toutes les personnes vulnérables, et de construire une liste de volontaires prêts à garder le lien social vivant, tout en respectant les mesures de santé publique.
Par exemple, des appels fréquents pour se renseigner sur l’état de santé et maintenir le lien avec ces personnes, une ronde de soutien matériel pour ceux qui en auraient éventuellement besoin si les approvisionnements viennent à manquer, un volontariat de jeunes médecins ou praticiens de la santé pour rendre visite aux malades et s’enquérir de leur état de santé, et même dans les pires de cas, la mise en place des moyens nécessaires pour ne pas abandonner les personnes dont l’état s’aggrave ou dont Allah a décrété de prendre leur âme.
- Enfin la sécurité des lieux de culte contre le vandalisme doit être assurée. Que ceux qui ont des systèmes de télésurveillance s’attachent à maintenir un enregistrement continu et des visites des lieux de culte éventuellement fermés à des fins de sécurité. Que ceux qui n’ont pas encore investi dans de tels systèmes s’y mettent afin de préserver les lieux de tout vandalisme en cas de fermeture complète.
Voilà quelques recommandations pour les responsables des lieux de culte et les pratiquants. Evidemment, la meilleure des recommandations reste de s’en remettre à Allah dans ces périodes, de se repentir de nos péchés, de multiplier les bonnes actions et en particulier les aumônes pérennes, et de ne pas négliger les adorations obligatoires. Nous prions Allah de lever cette épreuve au plus tôt et nous permettre tous de reprendre les prières quotidiennes à la mosquée et de ne pas nous priver des prières du Tarawih pour le mois de Ramadan à venir.