En France, la communauté musulmane doit affronter de nombreuses épreuves au quotidien. Parmi les maux qui la touchent, l’un est particulièrement alarmant : la situation précaire de nombreuses sœurs. Ce phénomène ne doit pas vous laisser indifférent, et n’est sans doute pas inconnu. En effet, combien de fois avons-nous pu croiser des collectes sur les réseaux sociaux pour des sœurs en situation de grande précarité ? C’est un fait, et les raisons de cette précarité sont diverses.
Le divorce, phénomène fréquent de nos jours, a connu un accroissement considérable ces dernières années. Ce fléau touche toutes les communautés, y compris la nôtre.
Des jeunes femme se retrouvent au lendemain d’un divorce, confrontées à des problèmes quotidiens : factures à payer, recherche de travail ou d’aide financière, éducation des enfants et tout ce que cela sous entend.
Une autre raison de cette précarité est l’isolement de certaines sœurs, suite à une rupture familiale, notamment lorsque celle-ci a choisi d’embrasser l’islam. Certaines sont mises à la porte par leur propre famille, d’autres vivent un cauchemar et préfèrent quitter le cocon familial, espérant une qualité de vie meilleure, une liberté de pratiquer leur foi, accomplir leurs prières.
Enfin, la situation professionnelle de certaines sœurs conduit à des situations de grandes difficultés. Il est connu que les femmes sont plus touchées par le chômage et la discrimination à l’embauche. Et une femme qui choisit de porter le hijab est encore plus confrontée aux discriminations que les autres. Sur le marché du travail français, le hijab est mal vu, mal perçu, pas accepté. Bien qu’elles soient souvent diplômées et compétentes, des sœurs sont victimes de discrimination à l’embauche. Dans de nombreux cas, elles doivent accepter de sous évaluer leur CV et donc accepter un travail où le hijab est toléré (agent d’entretien, ménage, téléphonie).
La communauté doit venir en aide à ses femmes, ses sœurs. Il est inacceptable que des sœurs puissent se retrouver dans de telles situations précaires.
Le projet Baytouna est l’initiative d’un groupement d’associations caritatives musulmanes d’Ile-de-France qui a pour objectif de créer une maison d’accueil pour les femmes musulmanes en difficultés. Cette très belle initiative est une première en France. En effet, il n’existe pas encore ce type de structures et pourtant, la demande est bien présente.
L’une des particularités, et sans doute, la force de ce projet sont la mutualisation des moyens et des efforts pour parvenir à l’objectif final. Autrement dit, ce n’est pas une association qui œuvre seule, mais un petit conglomérat d’associations. Parce que l’union fait la force, elles ont décidé de coopérer ensemble pour parvenir à aider ces femmes en difficultés.
L’équipe Ajib, a eu l’opportunité de s’entretenir avec l’une des responsables du Projet Baytouna :
Tout d’abord, pouvez-vous présenter les associations à l’origine du projet ?
A l’origine de ce projet il y a les associations suivantes :
L’Association Bienfaisance qui vient en aide aux personnes et aux familles en difficultés, soutient des veuves et orphelins, soutien par des programmes éducatifs et pédagogiques.
L’association Au-delà des maux qui distribue des colis alimentaires.
L’association Muslimhelp accompagne et suit quant à elle des personnes en difficultés sociales à travers l’apport d’aides morales, administratives, matérielles, alimentaires ou financières.
Qibla apporte un soutien matériel, financier ou moral à des personnes en difficultés. Réveil des cœurs propose un hébergement de femmes et enfin l’Association Sanabil vient en aide aux détenus et à leur famille.
Quand, et comment est née cette idée d’une structure d’accueil pour les sœurs en difficultés ?
Lors de réunions inter associatives le sujet des femmes dans des situations précaires revenait souvent. Ces associations ont donc décidé de leur venir en aide en créant une structure d’accueil et d’hébergement qui permettrait aussi la réinsertion socioprofessionnelle de ces femmes. Baytouna a ainsi vu le jour en juin 2014.
Qu’est-ce-que cette structure propose aux sœurs en précarité ?
Nous leur proposons un hébergement, nous les domicilions à la « maison », nous les guidons et les aidons dans les démarches administratives, des activités diverses leurs sont proposées pour les changer de leur quotidien…
Quels profils de femmes sont concernés par la structure d’accueil?
Nous accueillons des femmes seules, sans enfant, en situation régulière et sans problème grave de santé.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’organisation et les moyens mis en œuvre pour parvenir à votre objectif ?
Lorsque nous recevons une demande d’aide, au secrétariat, nous posons quelques questions pour connaître la situation et voir si le profil correspond à nos critères d’hébergement.
Si nous pensons être en mesure d’héberger cette femme, nous lui proposons un entretien téléphonique dans lequel on lui posera des questions plus poussées et par la suite, un entretien physique.
Si son accueil est validé, nous lui attribuons deux référentes personnes responsables de son suivi.
Chaque femme hébergée aura des objectifs à atteindre en fonction de sa situation (démarches administratives comme l’inscription à la caf, pôle emploi, faire une demande de logement, la recherche d’emploi, etc).
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au quotidien?
La principale difficulté est d’ordre financier, car tous les mois nous devons récolter près de 2000 euros pour payer le loyer et les charges.
Nous manquons aussi de bénévoles qualifiées (travailleuses sociales, éducatrices, psychologues…).
Une des grandes difficultés est d’ouvrir les yeux des gens afin qu’ils se rendent compte de la grande précarité dans laquelle des femmes vivent, voire survivent. Cette prise de conscience est d’autant plus lente que dans notre communauté, ce sujet est tabou. En effet, on n’arrive pas à imaginer que des musulmans puissent mettre leur fille, leur femme ou leur mère dehors et pourtant cela arrive !
Avez-vous un message à faire passer à nos lecteurs ?
Il y a de plus en plus de femmes qui vivent dans des situations de grande précarité. Mais par honte et par pudeur, elles n’osent demander de l’aide, on ne les voit ni ne les entend se plaindre. Donc je vous demande d’ouvrir vos yeux, faisons attention à notre prochain.
Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de photos ou des vidéos de ces femmes sur les réseaux sociaux que celles-ci n’existent pas ! Ouvrez les yeux, tendez leur la main. En nous soutenant, ce sont ces femmes anonymes que vous aidez.
Site internet : http://www.baytouna.fr/
Page Facebook : https://m.facebook.com/
Téléphone : 0635790565