A l’heure où il est question d’effacer toutes traces de la civilisation arabo-musulmane du paysage français, la journée mondiale de la langue arabe fêtée le 18 décembre dernier nous rappelle qu’il s’agit là d’une mission quasi impossible.
Pour la simple et bonne raison que les français parlent l’arabe très couramment sans même s’en rendre compte.
Selon l’UNESCO, l’Arabe est la langue la plus parlée au monde, elle est pratiquée par plus de 290 millions de personnes.
Les immigrés originaires des pays du Maghreb venus s’installer en France ont certainement apporté leur pierre à l’édifice de cette transformation de la langue française, mais ce n’est pas la seule explication.
Le lexicologue Jean Pruvost, professeur émérite, auteur de de « Nos ancêtres les Arabes, ce que notre langue leur doit » aux éditions JC Lattès, explique dans un
entretien sur France Inter, comment la langue arabe s’est-elle immiscée dans la langue française.
De nombreuses personnes utilisent des mots arabes et ce quotidiennement sans qu’ils le soupçonnent. Ainsi les mots tasse, café, sucre, jus d’orange qui font désormais partie du langage courant sont en réalité des mots arabes devenus par la force des choses, français.
Selon Jean Pruvost, l’origine de l’enrichissement de la langue française remonte déjà au IXe siècle depuis l’Espagne musulmane jusqu’à nos jours avec la colonisation et la décolonisation qui ont contribué à apporter « une vague de mots ».
Pour exemple, il cite dans le domaine de la gastronomie, les épinards, l’estragon, le potiron, les artichauts qui sont tous des mots d’origine arabe. Par la suite, les mots comme merguez, méchouis etc ont été adoptés naturellement par les français.
Mais ce que l’on sait moins, c’est que plusieurs mots typiquement « français » utilisés dans l’habillement sont des mots arabes. Saviez-vous qu’un magasin, une jupe, du coton, un gilet, un caban en font partie ?
On dit d’une langue qu’elle est vivante et pour preuve, les jeunes générations issues de l’immigration ont probablement transformé à jamais « le parler » français. Prenons le mot « bled » utilisé par le citoyen lambda sans que cela ne choque qui que ce soit. « Bled » donnant « blédard » qui désigne celui qui débarque de sa cambrousse algérienne ou marocaine.
Dernièrement, des expressions typiquement maghrébines font leur apparition, avoir le « seum », c’est-à-dire avoir le cafard qui soit dit en passant est aussi un mot d’origine arabe. Quand on pense que certains craignent que les jeunes générations d’origine maghrébine ne s’intègrent pas ! Cela dit ils n’’imaginaient peut-être pas une intégration dans ce sens là ?
En 2012, une campagne de la sécurité routière française avait utilisé le mot « seum » pour illustrer son message.
La liste des mots arabes utilisés dans la langue française est sans fin. « Chouf », « kiffer », « kiff-kiff bouricot », « toubib », etc.., oui le français est imprégné de l’Arabe et comme le dit Jean Pruvost, les français « parlent arabe beaucoup plus que le gaulois ».
Si ce dernier se compose d’à peine une centaine de mots, l’arabe lui est à 500 mots, voire plus si on y ajoute les mots savants du côté de la faune et la flore. Et que dire de l’algèbre et de la chimie ?
Ne sommes-nous pas finalement plongé dans le monde arabe quotidiennement et ce à l’insu de notre plein gré ?