En ces jours de commémoration de la Nakba, voici la deuxième partie du témoignage publié hier.
« Ainsi, trois jours plus tard, après 8h de voyage et une escale à Londres, j’arrive à Amman, Jordanie, à 4h du matin le 29/03/12.
Un peu perdue dans ce monde radicalement différent de Tel Aviv ou de Genève, je dégote un chauffeur de taxi sympathique dans la fraicheur ambiante, et lui demande de m’amener au King Hussein Bridge, où je veux tenter à nouveau d’entrer en Palestine occupée, en ayant cette fois la possibilité de rester en Jordanie si les choses tournent mal.
Je me sens néanmoins bien, car je suis entourée par mes semblables. J’observe, fascinée, le magnifique décor qui défile par la vitre, tandis que le conducteur m’explique qu’il faudra attendre que le pont ouvre, à 8h. Nous arrivons finalement au checkpoint jordanien, et je descend.
S’ensuit alors une longue attente (j’apprends lors de ces jours, le vrai sens du mot « patience »). Il faut remplir des papiers, payer le bus, charger les bagages, changer de l’argent, attendre que les employés boivent leurs cafés… Nous partons finalement ! Dans le bus, une majorité de touristes en circuit dans le coin, des palestiniens vivant en Jordanie qui veulent se rendre à Jérusalem, et des musulmans ayant apparemment le même but que moi. Nous traversons le no man’s land, et ce n’est pas sans peine que je vois ces grillages, ces barbelés, ces tours de gardes sur cette terre si belle… Nous arrivons au checkpoint israélien.
Je suis alors confrontée à une scène surréaliste. Sous mes yeux, comme à Tel Aviv, les israéliens gèrent complètement l’entrée des palestiniens sur leur propre terre. L’accès a beau donner sur un territoire sensé être « autonome » dans les textes, les sionistes ici règnent en maîtres des lieux ! J’avais beau le « savoir », le choc fut rude. Devant moi s’étiraient des files de personnes, que ces israéliens faisaient attendre des heures. Femmes, hommes, vieux, jeunes, enfants, seuls les arabes et les musulmans étaient traités de la sorte.
Bien sur, je suis alors immédiatement mise à part. Bien que je commence à être rodée, mes nerfs seront mis à rude épreuve au cours de cette journée d’attente, que je résumerais pour ne pas vous lasser. De nouveau déshabillée complètement dans une cabine et fouillée au corps, mes bagages seront deux fois plus examinés que la première fois. Les pauvres ne trouveront que des éléments suspects tels que des pyjamas, une brosse à dents, un sèche-cheveux (démonté par leurs soins) et des paires de chaussettes… Un vrai matériel de terroriste en puissance ! La valise, qui ne m’appartient pas à la base, a le malheur de s’avérer avoir été cassée en un point auparavant. Un des agents de sécurité m’annonce alors qu’il pense que je cache un passeport et que j’ai intentionnellement cassé la valise pour créer une petite cachette. Devant cette théorie fumeuse et complètement folle, je ne peux m’empêcher d’exploser de rire !
J’attends des heures, seule dans une salle, bien moins anxieuse que la première fois, mais néanmoins folle de colère. Je suis interrogée plusieurs fois de suite, mais ici les pauvres gardes ne semblent même pas disposer de bureaux corrects. Je répète toujours la même version, expliquant je ne suis absolument pas d’accord de laisser tomber mon projet de voyage sans raisons valables de leur part. Je suis surveillée par une espèce de garde armé et musclé, en tee-shirt moulant, le sosie de Jean Claude Van Damme avec un air de méchant ! S’ensuit alors un interrogatoire avec une femme m’annonçant travailler pour un quelconque ministère du gouvernement israélien (j’ai oublié). Elle m’annonce clairement qu’elle va réfléchir si elle décide de me laisser rentrer ou pas. Laissée à son bon-vouloir, un sbire vient finalement m’annoncer qu’elle a décidé que non, je ne rentrerais pas. Je demande alors pour quelle raison, l’homme hausse les épaules et m’ignore. Je suis arrivée ici à 10h, il est environ 16h. Je vois que sur mon passeport, confisqué depuis le début, stipule la mention « entrée refusée en israël », avec un tampon barré en rouge. On me rends mes bagages, dont le contenu a été jeté pêle-mêle à l’intérieur. Je suis escortée à l’extérieur du checkpoint, où j’attends un bus pour retourner en Jordanie, toujours sous escorte armée. On empêche le personnel qui s’occupe des tâches difficiles (tous arabes) de me parler.
Je prends finalement le bus, en compagnie d’une jeune fille palestinienne vivant en Jordanie, elle aussi refoulée. Elle tient un blog sur internet, et n’a pas sa langue dans sa poche, ce qui explique tout. Nous sympathisons, et nous arrivons ensemble au checkpoint jordanien où nous sommes obligées de remplir des papiers pour expliquer notre incapacité de passer, heureusement son parfait dialecte jordanien nous épargne des heures d’attente ! La police jordanienne est sympathique, et compatit. Heureusement la jeune femme habite à Amman, où j’avais prévu d’aller en cas de problème, et m’offre de me raccompagner sur place. Ici s’arrête ma confrontation directe avec ces soldats de l’enfer.
Il s’est ensuivi un magnifique séjour à Amman et ses environs, où j’ai pu me rendre à l’ambassade suisse, l’ambassade palestinienne, pour parler de mon cas. Les réponses furent marquantes. L’homme qui me reçut à l’ambassade suisse m’expliqua qu’ils étaient complètement impuissants, les sionistes ayant fait attendre sa propre femme, enceinte, pendant des heures sans pouvoir aller aux toilettes, alors qu’elle n’est absolument pas musulmane, arabe, ou pro-palestinienne. Selon ses propres mots, « nous ne pouvons qu’être horriblement révoltés par cette situation. Les citoyens suisses refusés adressent souvent des plaintes à Berne ou à l’ambassade israélienne en Suisse, et ne reçoivent jamais de réponse. Il est clair qu’israël classe les citoyens du monde en deux catégories, les musulmans/arabes et les autres ».
A l’ambassade palestinienne, un discours tout aussi noir. Le responsable m’explique qu’en pratique ils n’ont aucun pouvoir sur leur propre terre, c’est aussi simple que ça. Ils ne sont que des figurants, des pantins, et ne peuvent rien, ne servent à rien. Profondément écœurée, choquée, je continuais ma route.
Amman est une ville magnifique, dont un gros pourcentage d’habitants est palestinien. J’eus donc l’occasion d’en croiser des dizaines, tous chassés de leur terre, ne pouvant retourner voir leur famille, ayant parfois grandi dans des camps à Gaza ou ici. On ne peut imaginer le courage, l’amour de ces gens pour leur origine, et leur volonté d’aller de l’avant. Par la suite, j’allais aller au camp de réfugiés de Gaza, au nord d’Amman, et rencontrer ceux qui avaient eu moins d’argent, donc moins de chance.
Récapitulons les méthodes israéliennes, et n’oublions jamais que ces méthodes, les palestiniens les vivent au quotidien. Chaque jour que Dieu fait, dans un système d’apartheid. Isolation, stress, le but est de vous déstabiliser, de vous mettre en confiance pour ensuite vous maltraiter psychologiquement et vous ruiner mentalement. Le but est de vous faire sentir que vous n’êtes pas normal, que vous êtes coupable, criminel, et surtout seul au monde. Vous faire attendre des heures et des heures, afin que vous ayez le temps de réfléchir à votre sort, d’angoisser. Vous faire subir des interrogatoires successifs, pour que vos nerfs lâchent et qu’ils vous amènent où ils veulent.
Nous, musulmans vivant en Europe, nous pouvons dire être habitués à vivre l’islamophobie au quotidien pour la plupart. Une certaine forme de violence morale et de racisme, mais rien de comparable. Cependant, que découvre un citoyen lambda, n’ayant jamais été confronté à la vraie injustice d’être haï pour ce qu’il est ? J’imagine alors le choc qu’il peut ressentir. J’ai aussi pensé à mes frères et mes sœurs dans l’ensemble du monde arabe, souvent trop habitués à ces méthodes barbares de la part de leur propre gouvernement. En cela, je leur dis courage pour ce qu’ils vivent actuellement !
Un autre fait : la difficulté rapproche incroyablement de Dieu. Comment revenir ensuite dans mon pays, l’esprit tranquille, pendant que ceux que j’aime en Dieu sont toujours en Palestine et souffrent ? Aujourd’hui encore, je n’ai pas vraiment trouvé de réponse et je n’ai pas trouvé de véritable paix intérieure.
Un autre problème moral s’est posé à moi, une grosse remise en question. La question se pose, quand la haine se répand : comment accepter le principe que tous les israéliens ne sont pas complices de tels agissements ? Si nous ne nous sentons pas responsables des agissements d’Hitler en tant qu’européens, ou que nous, musulmans, ne comprenons pas pourquoi nous devons nous justifier vis-à-vis d’actes terroristes… Pourquoi devraient-ils tous porter la culpabilité ? Paradoxalement, comment ne pas leur en vouloir de vivre une vie d’aisance et de bonheur dans des terres que leurs prédécesseurs ont pris par la violence, et continuent d’occuper par la tyrannie au détriment d’un peuple qui se meurt ? La haine engendre la haine. Comment lutter contre ce sentiment, afin de ne pas devenir comme ces animaux ? Comment ne pas tomber dans le piège de la haine et du racisme ? Comment, après avoir vécu l’injustice, après avoir foulé une terre de souffrance, tirer quelque chose d’intelligent de cette expérience?
Difficile dès lors de compatir avec les partisans de la paix, les partisans de deux états. Si les israéliens souhaitent la paix par idéologie pure, sorte d’utopie pacifiste, ou pour se dédouaner des agissements de leur gouvernement, il s’agit cependant d’un véritable effort de miséricorde pour les palestiniens qui deviennent alors mes exemples de vie. Excuser les souffrances qu’on a vécu, que nos aïeux ont vécu, pardonner la situation injuste qu’on vit encore, ce n’est pas donner à tout le monde. Mais comme beaucoup l’auront compris, le cœur des palestiniens est assez grand pour contenir le monde.
Bien que cette histoire ne soit pas simplement la mienne mais celle de milliers d’amoureux de la Palestine, ce n’est pas une histoire banale. C’est l’histoire d’un système qui brise les gens dans ses rouages, les entraînent là où ils ne veulent pas aller, là où leurs droits élémentaires sont bafoués.
Merci de m’avoir lue, Lila. »
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Qu’Allah vous secours et vous aide a patienté.
Et ce qui concerne les sionistes qu’Allah les guide sur le chemin de la vérité. Amin
As salem wa3leykoum ! J’en ai des frissons Subhan Allah les sionistes controle vraiment tout c’est vraiment choquant ! Qu’Allah vienne en aide a nos freres et soeurs Palestinien !
La Hawla wa la Qawata illa bileh !
Palestine vaincraaa !!
Quel courage et quelle détermination. Respect a cette femme qui est lila. Mais cependant un peut de peine et de colere pour elle, car voyager seule (si elle était seule), elle n’aurait pas du et etre confronter a ces hommes immorales, à l’humiliation, l’emprisonnement tous ceci n’est pas pour une femme, elle ne devrait pas subir cela c’est pour cela que j’ai un peu de peine. Al Hamdulil Llah qu’il ne lui ont pas fait de mal…. Mais respect.
Mash´Allah! Quel témoignage émouvant et si révoltant ! Merci pour ce rappel brûlant à nous musulmans d’Europe ! Nos frères et sœurs palestiniens ont besoin de nos invocations !honte à nous si nous les oublions! Baraka allahoufiki ma sœur .