Définition & histoire du sionisme par l’historienne Sandrine Kott (partie 1)

Une analyse intéressante du phénomène appelé « sionisme » par l’historienne genevoise Sandrine Kott, dans son « Dictionnaire des nations et des nationalismes dans l’Europe contemporaine », légèrement abrégé par souci de longueur. Sandrine Kott  est aussi professeure d’histoire contemporaine de l’Europe à l’université de Genève :

« Pour comprendre l’histoire de cette construction, il faut suivre les méandres de l’émergence du projet sioniste dans le contexte de la seconde moitié du 19ème siècle et tenter d’analyser comment il est parvenu à s’imposer comme une solution politique pour les juifs de la diaspora mais aussi pour les nations occidentales.

Genèses du sionisme

Après la destruction du premier Temple en 586 av. JC, une grande partie des habitants de la Judée est déportée vers Babylone. Cet exil est décrit ainsi dans le psaume 137 : « Sur les rives de Babylone, nous étions assis et nous pleurions au souvenir de Sion ». Le nom de cette colline à l’est de Jérusalem, sur laquelle se dressait le palais du roi David, servit bientôt à désigner toute la ville de Jérusalem, puis l’ensemble de la Palestine (appelée eretz israël, terre d’Israël dans la Bible). Le terme même de SIONisme, utilisé pour la première fois en 1892 par le journaliste viennois Nathan Birnbaum, établit donc implicitement une filiation entre le projet politique national et les textes religieux. Toutefois, si le « retour en israël » et l’installation en Palestine a parfois été formulé par des rabbins au 19ème siècle, la réalisation concrète du projet est une entreprise séculière, portée par des juifs largement assimilés et souvent détachés de toute pratique religieuse.

Genèse politique

Si depuis l’émancipation du 19ème siècle les juifs jouissent individuellement des mêmes droits, leur assimilation est rendue impossible parce qu’ils sont, partout en Europe, du fait de l’antisémitisme, constitués collectivement en minorités et y sont victimes de ségrégation, de mesures discriminatoires voir éliminatoires. Dans la nécessité de se protéger via une identité spécifique, deux solutions sont formulées selon deux conceptions de la nation juive : l’une culturelle, l’autre territoriale.

Le premier courant se développe au sein du judaïsme d’Europe centrale où résident alors les deux tiers des Juifs du monde. L’émancipation et l’assimilation y sont moins avancées, l’identité culturelle juive est fondée sur l’usage général du yiddish.

Depuis les années 1880, les défenseurs du projet national territorial sioniste (le deuxième courant) voient en revanche dans la langue biblique, l’hébreu, la seule vraie langue juive. C’est au début des années 1860 que les pères fondateurs du sionisme politique, le journaliste socialiste allemand Moshe Hess et le rabbin Zwi Hirsh Kalischer de Thor en Posnanie, formulent leur programme. Tous les deux partent des mêmes conclusions, s’ils ne remettent pas en cause les Lumières et l’émancipation, ils soulignent les limites de l’assimilation. D’une part, elle serait impossible parce que les autres peuples ne la veulent pas et d’autre part elle conduirait à la perte de l’identité juive et à la haine de soi. Tous deux voient dans le projet de fondation d’un Etat-nation en Palestine la solution à ce double problème. Si le rabbin Kalischer souligne l’obligation de réaliser certains commandements en israël, le fond de l’argumentaire est profane : pour lui comme pour Moshe Hess, il importe pour les juifs, comme peuple, de fonder un état à l’image des autres nations européennes. S’ajoute l’idée que c’est en cultivant la terre, droit qui leur est dénié dans la plupart des pays où ils sont installés, que les juifs pourront retrouver fierté nationale et dignité.

Le début du sionisme en actes

Dans la première moitié du 19ème siècle, à la suite de l’affaire de Damas en 1840, le rabbin Jehuda Alkalai de Sarajevo en appelle au « retour » en Palestine. A partir des années 1860, diverses initiatives voient le jour. Elles visent à fonder des colonies agricoles en Palestine où les juifs pourraient vivre à l’abri mais aussi mettre en valeur la terre. Les juifs de l’ancien Yichouv sortent alors des villes et accompagnent les efforts des nouveaux pionniers. Le mouvement des Amants de Sion, sorte de précurseur en actes du mouvement sioniste, s’inscrit dans ce double contexte de développement de l’idée nationale juive et d’intensification de la persécution, provoquant un mouvement de migration massif.

Les sociétés portant ce nom se développent dans les années 1880 en Russie et en Europe centrale et balkanique. Elles financent l’achat de terre en Palestine et organisent l’émigration grâce à des donations de riches philantropes européens et à des collectes au sein de la communauté juive. Le mouvement des Amants de Sion, qui regroupe environ 130 sociétés en 1890, demeure néanmoins minoritaire : alors que 2,5 millions de juifs s’installent aux USA jusqu’en 1918, 70 000 seulement tentent l’aventure en Palestine. Toutefois il est porteur d’un idéal politique formulé par le médecin d’Odessa Leon Pinsker : l’ « auto-émancipation » (titre du livre qu’il publie en 1882) des juifs. Le projet national formulé par Theodor Herzl lui donne par la suite une forme plus précise.

La constitution du mouvement sioniste

En 1895, le journaliste viennois Theodor Herzl fait paraître un petit essai, Judenstaat (l’Etat des juifs), écrit à l’origine pour convaincre Edmond de Rotschild, déjà engagé dans l’achat de terres en Palestine, de soutenir un projet de création d’un état pour les juifs, sans succès.

[Malgré les divergences au sein de la communauté juive] Lors du congrès de fondation du sionisme à Bâle en 1897, 246 délégués de 20 pays sont présents dont 11 rabbins seulement, tandis que les juifs occidentaux y sont faiblement représentés. On compte en revanche 63 délégués russes, sans compter les juifs d’origine russe : ce sont incontestablement les juifs de l’est qui sont le mieux représentés. C’est pourtant à l’ouest que le juif sécularisé et assimilé Theodor Herzl emprunte ses modèles culturels.

En dépit de ces tensions latentes l’influence du mouvement grandit, et au 6ème congrès à Bâle en 1903 (le dernier auquel assiste le fondateur), 593 délégués sont réunis et représentent toutes les communautés juives du monde. Les institutions sionistes chargées d’acquérir des terres en Palestine pour les colons juifs commencent à fonctionner. A partir de 1901, des unions sionistes voient le jour dans tous les pays d’Europe mais aussi en Afrique du nord, en Asie mineure et en Amérique. »

Par Lila

By Younes

13 thoughts on “Définition & histoire du sionisme par l’historienne Sandrine Kott (partie 1)”
  1. La définition donnée du sionisme est trop légère, la vérité est beaucoup plus profonde que ce que nous en dit cette femmes.

    Inspirer vous de cette article mais ne vous en donner une définition complète.

  2. Salam aleykum akhy Taha, c’est la version abrégée et résumée comme il est indiqué au début de l’article, bien sûr que l’Histoire en général n’est jamais aussi simple. Cordialement

  3. Il y a dans cette synthèse quelques infos intéressantes, mais il serait bon de respecter la règle d’orthographique académique qui aide à mieux comprendre de qui on parle

    Pour éviter toute confusion et faciliter notre compréhension mutuelle, on ne saurait trop recommander de respecter constamment cette règle académique, avec la recommandation concernant la majuscule, telle qu’elle figure dans la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie
    française :

    « JUIF, JUIVE n. Xe siècle, judeu. Issu, par l’intermédiaire du grec et du
    latin, de l’hébreu yehudi, de même sens.

      1. Personne descendant de l’ancien peuple d’Israël ; personne qui professe le
    judaïsme (dans les emplois où ce deuxième sens est prédominant, on ne met pas la
    majuscule). Les Juifs de Pologne, d’Allemagne, de France. Juif ashkénaze,
    sépharade, :

  4. Salamuleykoum Lila, quand j ai dit : « cette femmes », je parlais de l’historienne qui donne la définition du sionisme qui ne retranscrit pas complètement de phénomène même si c’est historiquement bien définie, cependant je te remercie énormément Lila pour cette article et le temps que tu a pût y consacrer, je prit Allah 3azawajal pour qu il te donne le plus haut étage au Paradis inshaallah et que nous y soyons des amis.
    Salam

  5. Salamuleykoum Lila, quand j ai dit : « cette femmes », je parlais de l’historienne qui donne la définition du sionisme qui ne retranscrit pas complètement de phénomène même si c’est historiquement bien définie, cependant je te remercie énormément Lila pour cette article et le temps que tu a pût y consacrer, je prit Allah 3azawajal pour qu il te donne le plus haut étage au Paradis inshaallah et que nous y soyons des amis.
    Salam

  6. Pour faire court sur la création d’ Israel:
    A la premiere guerre mondiale les British avaient promis la Palestine (en restaurant le Khalifa) aux Saoudiens s’ils les soutenaient contre l’Empire Ottoman, tout en promettant aux juifs sionistes la possibilité d’un territoire en Palestine ou… l’Ouganda , option qui fut rejetée par le mouvement sioniste.

    Sous pression des sionistes parmis l’élite juive anglaise, et surtout afin de rembourser le fournisseur d’acetone de l’armée anglaise, Chaim Weizmann milliardaire et chimiste (et premier president d’Israel), qui apres la guerre demanda la Palestine comme monnaie de remboursement a la solde de tout compte: « I don’t want any money, I want Palestine! » . La parlement anglais vota pour l’ établissement du communauté juive sous protectora anglais en Palestine.

    Edwin Samuel Montagu, (second juif a rentrer dans ‘The Cabinet’/ british parlement) fut le plus grand opposant au projet sioniste, prophétisait des 1917 l’ état actuel des relations arabo-juive: Que dans un futur proche, ce projet ferait des ‘musulmans’ leurs ennemis, alors qu’ils ne le sont pas.

    A noter que:
    • Avant 1914: la Palestine était occupée par 5% de juifs qui n’avaient aucun problème avec leurs voisins arabes. Historiquement parlant les juifs préféraient vivre avec les musulmans que les chrétiens.

    • 1920: Premiere colonie juive sous administration anglaise.

    • Le sionisme était a l’origine un projet juifs européens. Les juifs américains ne prirent ce projet au sérieux qu’a la seconde guerre mondiale.

  7. Qu’est ce que le sionisme ?
    Au milieu du XVIIe, les calvinistes britanniques se regroupèrent autour d’Oliver Cromwell et remirent en cause la foi et la hiérarchie du régime. Après avoir renversé la monarchie anglicane, le « Lord protecteur » prétendit permettre au peuple anglais de réaliser la pureté morale nécessaire pour traverser une tribulation de 7 ans, accueillir le retour du Christ et vivre paisiblement avec lui durant 1 000 ans (le « Millenium »). Pour ce faire, selon son interprétation de La Bible, les juifs devaient être dispersés aux confins de la terre, puis regroupés en Palestine et y reconstruire le temple de Salomon. Sur cette base, il instaura un régime puritain, leva en 1656 l’interdiction qui était faite aux juifs de s’installer en Angleterre et annonça que son pays s’engageait à créer en Palestine l’État d’Israël [4]
    La secte de Cromwell ayant été à son tour renversée à la fin de la « Première Guerre civile anglaise », ses partisans tués ou exilés, et la monarchie anglicane ayant été rétablie, le sionisme (c’est-à-dire le projet de création d’un État pour les juifs) fut abandonné. Il ressurgit au XVIIIe siècle avec la « Seconde Guerre civile anglaise » (selon la dénomination des manuels d’Histoire du secondaire au Royaume-Uni) que le reste du monde connaît comme la « guerre d’indépendance des États-Unis » (1775-83). Contrairement à une idée reçue, celle-ci ne fut pas entreprise au nom de l’idéal des Lumières qui anima quelques années plus tard la Révolution française, mais financée par le roi de France et conduite pour des motifs religieux au cri de « Notre Roi, c’est Jésus ! ».
    George Washington, Thomas Jefferson et Benjamin Franklin, pour ne citer qu’eux, se sont présentés comme les successeurs des partisans exilés d’Oliver Cromwell. Les États-Unis ont donc logiquement repris son projet sioniste.
    En 1868, en Angleterre, la reine Victoria désigna comme Premier ministre, le juif Benjamin Disraéli. Celui-ci proposa de concéder une part de démocratie aux descendants des partisans de Cromwell de manière à pouvoir s’appuyer sur tout le peuple pour étendre le pouvoir de la Couronne dans le monde. Surtout, il proposa de s’allier à la diaspora juive pour conduire une politique impérialiste dont elle serait l’avant-garde. En 1878, il fit inscrire « la restauration d’Israël » à l’ordre du jour du Congrès de Berlin sur le nouveau partage du monde.
    C’est sur cette base sioniste que le Royaume-Uni rétablit ses bonnes relations avec ses anciennes colonies devenues États-Unis à l’issue de la « Troisième Guerre civile anglaise » —connue aux États-Unis comme la « guerre civile américaine » et en Europe continentale comme la « guerre de Sécession » (1861-65)— qui vit la victoire des successeurs des partisans de Cromwell, les WASP (White Anglo-Saxon Puritans) [5]. Là encore, c’est tout à fait à tort que l’on présente ce conflit comme une lutte contre l’esclavage alors que 5 États du Nord le pratiquaient encore.

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