Le terme « islamophobie » inauguré dans le dictionnaire de la violence

Avez vous déjà essayé de chercher le mot « islamophobie » dans le dictionnaire ? Il paraît qu’il a été introduit dans le dictionnaire Français en 2005. Pourtant, lorsqu’on tape ce mot dans un dictionnaire numérique ou en cherchant dans certaines éditions, on le retrouve zappé, absent, comme si la réalité islamophobe n’existait pas, ou pour certains, n’a pas lieu d’être. Pourtant, dans la nouvelle édition du « dictionnaire de la Violence » paru le 28 septembre dernier, le mot « islamophobie » y trouve sa place. Peut être un premier pas vers la reconnaissance de ce phénomène ?

L’un des rares dico à avoir intégré « islamophobie »

Dès la sortie de la nouvelle édition du Dico de la Violence le Collectif contre l’Islamophobie en France n’a pas caché sa joie : « Qui a dit que l’islamophobie n’existait pas ? Le terme « ISLAMOPHOBIE » fait son entrée dans le Dictionnaire de la violence aux côtés de 300 autres termes comme « Confiance », « Culpabilité », « Injustice », « Jalousie », « Passion », « Peur », « Réconciliation », etc. » pouvait on lire sur la page Facebook du Collectif.

Un dictionnaire revu et augmenté de plus de 1500 pages, écrit par Michela Marzano, professeur de philosophie à l’Université Paris Descartes, et édité aux éditions PUF. D’un point de vue sémitique, le terme « Islamophobie » aurait été crée à partir d’un néologisme associant deux termes : « Islam » et « Phobie ». Mais ce qui devait traduire initialement une peur de l’Islam, est devenu petit à petit un forme de rejet, de discrimination à l’égard de la communauté musulmane.

Dans ce dictionnaire, la notice « Islamophobie » a été rédigée par Vincent GEISSER, un politologue et chercheur au CNRS qui s’est beaucoup penché sur ce phénomène, puisqu’il a publié en 2003, un livre intitulé « La nouvelle islamophobie », qu’il définit ainsi : «Elle constitue une religiophobie, en ce sens que c’est bien l’élément religieux qui est visé par une telle haine. (…) les Musulmans sont de plus en plus considérés comme des Français « à part entière » et pourtant l’islam est toujours représenté comme une « religion » qui fait problème national. »

Un pas vers la reconnaissance de ce phénomène ?

Peut on considérer que cette introduction du terme « Islamophobie » dans un dico spécifique à la violence, représente en quelque sorte un premier pas vers sa reconnaissance ? Pour certains intellectuels qui se sont intéressés à l’origine du mot, l’Islamophobie ne possède pas de définition spécifique, selon le contexte du discours dans lequel il est introduit. Tantôt il visera à critiquer de manière plus ou moins virulente les principes de l’Islam, tantôt il désignera un comportement discriminatoire à l’égard des musulmans, et par amalgame, à l’égard des arabes. Tandis que pour les fervents défenseurs de la laïcité, officialiser ce terme dans le dictionnaire reviendrait à reconnaître « le délit de blasphème », incompatible avec la liberté d’expression selon eux.

Quoi qu’il en soit, il est vrai que voir ce terme « Islamophobie » sortir de l’ombre même si il est déjà présent dans les discours mais de manière subjective (on en donne la définition selon l’interprétation qui en est faite), ne peut que nous réjouir, car finalement il parvient petit à petit à être considéré comme une réalité à part entière. Pourtant, si on le comparait au terme « Antisémitisme », qui lui est depuis bien longtemps à la page de la quasi totalité des dictionnaires français (et même européens), on s’aperçoit que d’un point de vue juridique, ce qui est considéré comme un délit pour l’un, ne l’est pas pour l’Islamophobie. De nos jours, un citoyen français se déclarant antisémite risque une peine de prison, tandis qu’un autre citoyen affirmant publiquement être islamophobe et fier de l’être, ne risque pas d’être inquiété.

Alors, si on devait parler d’un pas vers la reconnaissance de ce phénomène d’Islamophobie qui sévit encore beaucoup en France, et qui fait de nombreuses victimes dans la communauté, on parlerais d’un pas relatif, mais tout de même révélateur d’une volonté de mettre des mots sur ce qui apparaît comme abstrait, et de pouvoir l’identifier concrètement pour pouvoir mieux l’étudier.

Crédit photo : CCIF

By Younes

2 thoughts on “Le terme « islamophobie » inauguré dans le dictionnaire de la violence”
  1. Article intéressant et pertinent à propos de l’entrée du mot « islamophobie » dans le dictionnaire de la violence. J’en reprends des citations dans actuphilo.com et appose un lien vers votre site.
    Nommer quelque chose c’est prendre conscience de l’existence de cette chose : c’est déjà prendre acte de l’existence de l’islamophobie que de nommer ce phénomène. Reste maintenant à penser les outils pour lutter contre cette phobie. Peut-être peut-on les trouver dans une conceptualisation de cette notion ? Mais c’est déjà un grand pas que de l’inscrire dans un dictionnaire spécialisé, celui de la violence : l’islamophobie est une violence et comme toute violence elle doit donc être traitée comme telle.

  2. Vous écrivez en gras:
    « De nos jours, un citoyen français se déclarant antisémite risque une peine de prison, tandis qu’un autre citoyen affirmant publiquement être islamophobe et fier de l’être, ne risque pas d’être inquiété. »

    Eh oui! C’est toute la différence entre honnir un peuple, dont chaque individu est membre sans l’avoir voulu (hasard de la naissance), et honnir une religion, dont chaque individu est membre par choix (en tout cas dans les moeurs européennes, où l’apostasie n’a plus cours depuis longtemps). En Europe, nous avons décidé de laisser libre cours à la critique des religions. L’athéisme a aussi ses arguments, et le droit de les exprimer. Tout comme il est possible de considérer les difficultés quotidiennes des musulmans en Occident comme un énième symptôme de l’injustice sociale que dénonce le mouvement actuel des « 99% », en lutte contre l’omnipotence des pouvoirs financiers qui provoquent le pourrissement de nos sociétés.
    Mécréants pour la plupart, ou discrètement croyants, c’est ainsi que nous sommes, désormais. Nous diaboliser à ce propos revient à reprocher aux Japonais d’aimer les sushis.

    Je peux concevoir que cela heurte ceux qui ont la religion militante, mais ce n’est pas négociable. Si des groupes de pression persistent à « pousser dans les cordes » ceux qui refusent d’accommoder la République à des exigences religieuses, on va forcément au clash…

    C’est sans doute ce que souhaitent les plus virulents.

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