Par : Tamime Khemmar
Le Prophète [ﷺ] dit : « Ne sous-estime aucune œuvre de bien, même si ti rencontre ton frère avec un visage souriant. »[1]
Et il dit [ﷺ] :
« Préservez-vous de l’Enfer, même avec la moitié d’une datte. »[2]
Écoutons cette belle histoire :
Je fus éprouvé par la pauvreté en l’an 219 de l’hégire. Je n’avais plus rien à manger, ni moi ni ma femme ni son petit et cela depuis plusieurs jours.
Je décidai alors de vendre ma maison et d’habiter ailleurs.
Je sortis pour cela et voilà que je rencontrai Aboû-nnasr, mon ami.
Lorsque je lui appris mon intention de vendre la maison, il me donna deux morceaux de pain fin fourrés de sucrerie et me dis : « Donne-les à manger à ta famille. »
Je me dirigeai alors vers ma maison. Soudain je rencontrai une femme et son enfant. Lorsqu’elle vit les deux morceaux de pain, elle me dit : « Mon frère ! Voici un enfant orphelin et affamé, et qui ne peut supporter la faim. Donne-lui donc quelque chose à manger qu’Allah te fasse miséricorde. »
L’enfant me regarda un regard que je n’oublierai jamais et je ressentis que le Paradis était descendu sur terre s’offrant à celui qui donnerait à manger à cet enfant.
Je donnai à la femme ce qui se trouvait dans ma main et lui dis : « Prends cela et donne à manger à ton enfant. Par Allah ! Je ne possède pas la moindre pièce d’argent et dans ma maison se trouvent ceux qui ont en plus besoin de cette nourriture. »
Ses yeux débordèrent de larme et le visage de l’enfant s’illumina.
Je continuai de marcher angoissé, puis, je m’assieds réfléchissant comment je pourrais vendre ma maison. Soudain, Aboû-nnasr apparut et me dit tout joyeux :
– Aboû Mouhammad ! Que fais-tu ici, alors que ta maison déborde de biens et de richesse ? »
Je lui dis, étonné :
– D’où cela viendrait-il, mon ami ?
Il répondit :
-Un homme est venu de Khorassan, interrogeant les gens au sujet de ton père ou d’un de ses proches et ramenant avec lui de grandes richesses et des biens divers !
– Raconte-moi son histoire ? M’empressai-je de lui demander.
– C’est un marchand de Bassorah à qui ton père avait confié de l’argent, il y a trente années, seulement, il fit faillite et quitta le pays et partit de Bassorah vers Khorassan.
Lorsque, il refit fortune, il voulut rendre les biens que ton père lui a confié avec tous les bénéfices rapportés, durant trente années.
Ahmad Ibn Miskîn continua le récit de son histoire :
Je remerciai Allah et je recherchai la femme et son enfant. Je les pris en charge et m’occupai de tous leurs besoins.
Je fructifiai ma fortune en faisant du commerce et en consacrai une grande partie pour la charité et la bienfaisance. Mais à chaque fois que je donnais, ma fortune augmentait.
En vérité, j’étais, à cette époque, un peu fier de moi-même et je me disais tout content que les Anges avaient rempli mes registres de bonnes actions. J’avais alors grand espoir d’être compté du nombre des bienfaisants !
Une nuit, alors que je dormais, je me vis lors du Jour de la résurrection.
Les gens se mélangeaient comme des vagues tumultueuses et leurs corps étaient gigantesques.
Ils portaient sur leurs dos leurs péchés qui s’étaient matérialisés, au point que les grands pécheurs portaient sur leurs dos toute une ville d’œuvres avilissantes.
Puis, on apporta les balances.
On me ramena alors pour peser mes œuvres.
Mes mauvaises actions furent posées dans un plateau et les registres de mes bonnes actions furent jetés dans le deuxième. Mes mauvaises actions pesèrent plus lourd et firent pencher la balance de leur côté.
Ils jetèrent mes bonnes actions, l’une après l’autre, dans le plateau, mais rien n’y fait.
Chaque bonne action était accompagnée d’une convoitise secrète de l’âme qui l’annulait, comme le fait de vouloir être vu par les gens (riyâ’), la vanité ou la recherche de l’éloge des gens.
Rien ne me fut profitable et je perdis alors tout espoir.
J’entendis soudain une voix qui dit : « Ne lui reste-t-il rien du tout ? »
On dit : « Il ne reste que ceci. »
Je vis alors les deux morceaux de pain fin que j’avais donnés à la femme et à son enfant.
Seulement, je ne doutais plus que j’étais perdu. Par le passé, je donnais cent dinars d’or d’un seul coup et cela ne m’a servi à rien. Je sombrai alors dans le désespoir.
Les deux morceaux de pain furent placés dans le plateau, qui se mit soudain à descendre.
Puis, les larmes de la pauvre femme qui avait pleuré pour ma bienfaisance et pour le fait que je l’avais privilégiée et son enfant sur ma famille y furent aussi placées, et voilà que le plateau descendit encore et encore. Puis soudain j’entendis : « Il est sauvé ! »
Notes de l’auteur :
[1] Mouslim (2626)
[2] Al-Boukhârî (3595) et Mouslim (1016)