Le conseil municipal de Chalon-sur-Saône, sous l’impulsion de son maire, avait voté en 2015 la fin des menus de substitution (au porc) dans les cantines publiques de la ville.
Bonne nouvelle cependant pour les parents d’élèves qui ont gagné du point de vue des valeurs contre la municipalité : le Conseil d’État a rendu son jugement vendredi 11 décembre et a estimé qu’ils n’étaient certes pas obligatoires mais pas non plus « contraires au principe de laïcité ».
Le rôle du Conseil d’État
Il faut savoir que le Conseil d’État en France a deux missions principales :
- Conseiller le gouvernement concernant la préparation des projets de loi, décret etc. ;
- Juger les litiges entre les particuliers et les personnes publiques (Mairies etc.).
Dans le premier cas, il ne donne que son avis qui est consultatif et n’a pas de valeur contraignante pour le gouvernement. Nous l’avons vu il y a quelques jours quand il s’est prononcé contre la suppression de l’école à domicile voulue par le gouvernement Macron.
Dans le second cas, en tant que « juge administratif suprême », il est la dernière instance qui juge en cassation les arrêts et jugements des arrêts des cours administratives d’appel ; et par conséquent ses décisions devront être appliquées par les personnes publiques.
L’affaire de Chalon-sur-Saône
Les repas de substitutions (généralement œufs ou poisson) étaient servis les jours où le porc était au menu dans les écoles publiques de la ville depuis 1984, et ce sans incidents notables. Ce geste de solidarité et humainement fort permettait à de nombreux élèves musulmans d’avoir accès aux protéines nécessaires à un régime alimentaire équilibré, alors qu’ils n’auraient de toute façon pas mangé de porc par conviction religieuse.
Le maire avait alors décidé en 2015, via une délibération municipale, que sa conception erronée du principe de laïcité devait se glisser dans l’assiette des enfants.
Il avait déclaré dans un courrier adressé aux parents d’élèves de la ville : « En aucun cas, il n’est possible, au regard du principe républicain de laïcité, de proposer des repas différenciés en fonction des considérations religieuses. »
Des parents et particuliers s’étaient opposés fortement à cette décision, qui empêchait leurs enfants d’avoir accès à un menu juste à la cantine. La Ligue de défense judiciaire des musulmans (fondée par l’avocat Karim Achoui en 2013) avait également dénoncé cette décision et avait aidé les particuliers à saisir la justice. Une bataille juridique qui durera cinq ans s’en est suivie.
Il faut vraiment féliciter le comportement exemplaire des parents et de la LDJM qui ont saisi les autorités concernées dans le plus grand respect et avec une maitrise d’eux-mêmes admirable.
La délibération de la Mairie avait d’abord été invalidée par le tribunal administratif de Dijon en 2017, et ensuite par la cour administrative d’appel de Lyon en 2018. La commune avait alors saisi le Conseil d’État, pensant avoir gain de cause. L’instance suprême s’est pourtant également prononcée pour son invalidation.
La position de la municipalité était d’avancer l’argument fallacieux que cette pratique, qui n’était rien d’autre qu’une accommodation bienveillante des précédentes municipalités, pourrait « stigmatiser » les élèves et serait un moyen de les « ficher » quant à leur appartenance religieuse, n’a pas convaincue le Conseil d’État.
Dans ses conclusions, le Conseil d’État a affirmé que si le principe de laïcité « interdit à quiconque de se prévaloir des croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes », néanmoins « ni les principes de laïcité et de neutralité du service public, ni le principe d’égalité des usagers devant le service public, ne font, par eux-mêmes, obstacle à ce que ces mêmes collectivités territoriales puissent proposer de tels repas. »
«Lorsqu’elles choisissent d’assurer le service public de la restauration scolaire», les collectivités «doivent prendre en compte l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les enfants puissent accéder à ce service public» a-t-il ajouté.
Il faut néanmoins relativiser cette bonne nouvelle, car bien qu’ayant contredit la municipalité sur le principe de laïcité, le Conseil d’État ne la contraindra néanmoins pas à rétablir ces menus de substitutions qu’il ne juge pas obligatoires.