Une alliance internationale de 36 organisations non gouvernementales (ONG) venant de 13 pays différents ont engagé une action en justice contre le gouvernement français devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (CDH), pour le rôle qu’il aurait joué dans le développement « systémique » de l’islamophobie et de la discrimination à l’égard des musulmans.
Cette démarche est sans précédent et se fait sous la jurisprudence des Nations Unies, car en tant que membre et signataire de la charte de cette instance internationale, la France s’expose à des poursuites en cas de non-respect.
Dans cette plainte, le Collectif formé par ces ONG a commencé par affirmer « qu’il est urgent de lutter contre les répercussions négatives des attitudes et des événements islamophobes gouvernementaux en France. En France, cette tendance a conduit les communautés musulmanes à devenir la cible d’une hostilité accrue, de l’islamophobie, et de plus de violence. »
Sont nommément visés dans la plainte le président français Emmanuel Macron ainsi que ses ministères et ministres, dont le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le ministre français de l’éducation, Michel Blanquer.
Dans le document de 28 pages, 52 points en tout listent les conséquences des actions des gouvernements anciens et actuels sur la communauté musulmane.
Ils dénoncent par exemple les propos du président Macron à la suite du meurtre de quatre policiers en 2019, qui avait évoqué une « hydre islamiste » et avait déclaré : « Une société de vigilance voilà ce qu’il nous revient de bâtir » ; et au même moment l’ancien ministre de l’intérieur, Christophe Castaner avait partagé à l’Assemblée une liste très troublante de faits qui selon lui permettrait de reconnaitre des signes de radicalisation devant pousser les citoyens à alerter les autorités, comme le fait de laisser pousser la barbe, une pratique régulière et ostentatoire de la prière rituelle, faire la bise ou non…
Des associations et des personnes au cœur de la plainte
De nombreuses affaires parlant d’associations et de personnes sont évoquées tout au long de cette plainte, mais nous pouvons en citer une emblématique qui est celle du CCIF, association de défense des droits humains qui avait été contrainte fin 2020 à déplacer ses activités à l’étranger.
Le Collectif d’ONG a mis en lumière ce fait choquant : « Depuis que le gouvernement français a qualifié le CCIF d ‘«ennemi de la République», les membres du CCIF ont reçu plus de 12 000 insultes et menaces de mort sur les réseaux sociaux, en 7 jours », ce qui avait conduit l’association, en plus des menaces de dissolution, à ne plus se sentir en sécurité en France.
Historique des affaires principales en France
Les points 44 à 52 posent le contexte et retracent un historique des diverses affaires où les institutions, politiques et gouvernements successifs en France ont parfois été jusqu’à légiférer contre certaines pratiques religieuses ; notamment :
- 1989 : Il y a 30 ans, alors que la stigmatisation des musulmans était déjà présente, la très médiatisée affaire de Creil (trois jeunes filles furent exclues de leur collège par le principal car elles refusaient de retirer leur voile) fut l’un des déclencheurs d’un débat politico-médiatique sur la place de l’Islam et des musulmans dans la société : les hostilités contre les musulmans furent déclenchées.
- Les attentats de 2001 aux USA ;
- La loi de 2004 contre le port le port de signes religieux ostentatoires, qui vise en réalité spécifiquement le voile des musulmanes ;
- 2012 : Une circulaire de Luc Chatel qui étend la « neutralité religieuse » aux mères accompagnatrices lors des sorties scolaires, ce qui a conduit dans la pratique à certains cas où les mères voilées étaient interdites par l’administration de rentrer dans l’enceinte de l’école avec leur voile ;
- De 2017 à 2019 : Sous prétexte d’une lutte contre le radicalisme conduisant au terrorisme, mise en place progressive d’une islamophobie institutionnelle.
La plainte finit par rappeler l’impact qu’on eut ces actions régulières sur la communauté musulmane, d’un point de vue matériel et psychologique, avec environ 4500 raids en effectués en France (et une destruction presque systématique des portes d’entrée), des arrestations à domicile, et des fermetures de lieu de culte etc.
Nous espérons que cette initiative permettra d’inverser la tendance actuelle et de restaurer un apaisement nécessaire, ainsi que l’image de notre pays qui a été considérablement ternie à l’étranger ces dernières années.